les dix heures. Après de nombreuses disputes et contentions sur les rangs et préséances, M. de Rhodes, grand-maître des cérémonies, finit par placer à peu près tout son monde, et la procession commença par un défilé devant le roi. On lui avait préparé, sous le portail de l’église des Augustins, un dais où il s’était assis, la reine et les princes du sang près de lui. Chacun, en passant, faisait de grandes et profondes révérences. Le prince de Condé était debout et bien en vue ; on remarqua que des gens apostés le désignaient aux députés en disant : « Saluez M. le Prince. » Mais, rien qu’à l’inspection des visages, celui-ci devait bien voir que le coup qu’il avait préparé était manqué et que ces bonnes gens de province inclinés devant leur jeune roi, majeur de la veille, n’avaient nulle envie de servir les ambitions d’un cadet insoumis.
Les présentations achevées, la procession s’ébranla, et, sortant du couvent, se développa lentement le long du quai des Augustins, puis, par la rue de la Harpe, gagna Saint-Séverin, le Petit-Châtelet, traversa la Seine sur le pont Notre-Dame et se dirigea vers le parvis. Tout le long du parcours, les soldats du régiment des gardes, avec leurs figures tannées et leur barbe taillée à la mode du roi Henri, faisaient la haie, en costume mi-parti violet et orangé, l’un ayant la toque verte, l’autre la toque noire, et, tous le mousqueton sur l’épaule.
En tête de la procession, on avait mis, selon la coutume, un lot de pauvres et de mendians de Paris, béquillards et loqueteux qui attristaient la pompe du cortège ; on les fit passer vite en leur distribuant quelque menue monnaie. Venaient ensuite les ordres religieux, moines gris, roux, blancs et noirs, les « quatre mendians, » si populaires dans Paris, les paroisses et chapitres, les corporations avec insignes et bannières et nombre de bourgeois équipés de leur mieux. Des deux côtés des rues, marchaient les archers du grand-prévôt, tenant un cierge d’une main et leur hallebarde de l’autre ; au milieu, le grand-prévôt lui-même, assisté de ses deux lieutenans en robe longue. En bordure encore, les cent-suisses de la garde du roi, habillés de velours, satin et taffetas blanc, rouge et bleu, avec la toque de velours à la tête et un panache ; les archers de la garde avec leurs hallebardes et des torches de cire jaune allumées ; les cent gentilshommes de la maison du roi, portant également des torches et leurs demi-hallebardes nommées becs-de-corbin ; au milieu d’eux, marchant à pas comptés, d’abord les chapitres de Notre-Dame et de la Sainte-Chapelle mêlés, avec leurs chapes et leurs bâtons cantonaux, les bacheliers et régens de l’Université, suivis du recteur et des docteurs des quatre facultés.
Enfin, messieurs des États. C’étaient, en première ligne, les députés du tiers, bataillon noir de près de deux cents membres,