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conséquent, l’influence. Leur calcul, d’ailleurs, ne se trompait pas et leurs efforts ne furent pas vains. C’est de leurs rangs que devait sortir, dans un avenir qui n’était pas éloigné, l’homme appelé à restaurer, pour un demi-siècle, cette ancienne tradition française qui assurait aux princes de l’Église une part prépondérante dans l’administration de l’État.

Pour se rendre compte de l’action personnelle de chacun des membres des États, il ne faut pas oublier qu’il n’y avait pas d’autre assemblée plénière que la séance d’ouverture et la séance de clôture. Dans l’intervalle, les trois ordres délibéraient séparément. Ils travaillaient à compiler les cahiers des provinces en trois cahiers généraux qui devaient être présentés séparément au roi. Cependant, il surgissait parfois des questions d’ordre général ou d’actualité instante, sur lesquelles les trois états avaient intérêt à s’entendre. Dans ce cas, l’une des chambres envoyait, auprès des autres, une délégation composée généralement de certains membres particulièrement distingués ou compétens, et qui, après avoir exposé le point de vue de ses mandans, s’efforçait d’amener à ses vues la chambre qui l’écoutait. Ces délégations avaient une réelle importance, et c’est leur jeu qui dessine, sur le fond obscur des délibérations intérieures, la figure mieux éclairée de quelques-uns des membres de l’assemblée.

Dès les premières séances, la chambre ecclésiastique et particulièrement le groupe Duperron manifestèrent le désir de prendre en main la direction des débats. On mit d’abord sur le tapis la question de la méthode de travail et, immédiatement, nous voyons entrer en scène l’évêque de Luçon. Malgré sa jeunesse, il sort du rang aussitôt, et c’est probablement sur les indications de Duperron qu’il fut placé à la tête d’une des premières délégations envoyées vers la chambre du tiers. Il était chargé, au nom de son ordre, de présenter les propositions suivantes : Que les députés prêtassent le serment solennel de travailler saintement pour la gloire de Dieu, le service du roi et le soulagement du peuple, aux cahiers et de ne révéler de façon quelconque ce qui serait advisé aux chambres ; de venir, deux fois le jour, aux Augustins, le matin, de huit à onze heures et, la relevée, de deux à quatre, sauf le jeudi et le samedi après dîner qu’on consacrerait à d’autres affaires.

Cette démarche, naturellement bien accueillie, fut suivie d’une seconde autrement importante et dont furent chargés, auprès de la noblesse et auprès du tiers, deux autres évêques non moins chers à Duperron, Miron, évêque d’Angers, et Potier, évêque de Beauvais. Le clergé, après en avoir longtemps délibéré lui-même et non sans « contentions et difficultés, » demandait que certaines questions d’intérêt général pussent être distraites des cahiers, débattues à