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autre pas de sibylles sorties de terre pour prédire les félicités du mariage futur de la princesse. Puis, les rochers s’abaissèrent pour faire place à un paysage de vergers et de forêts ; dans le ciel on vit, sur une nuée, s’avancer l’Aurore. « Elle étoit vêtue de lames d’argent, recouverte de fleurs d’or et de soye, et si fort éclatante qu’elle n’avoit rien de dissemblable à l’Aurore journalière que d’être plus proche de la vue. Elle semoit des fleurs sur la scène et étoit suivie d’un grand char flamboyant et doré, avec les roues tournantes d’un mouvement égal et continuel, dans lequel étoit le sieur Robert, qui traversa la scène en chantant. »

Tout cela n’était encore que le prologue ; le vrai ballet, qui avait nom l’Africaine ou le Triomphe de Minerve, commença : on vit, dans un paysage nouveau, se succéder les plus belles filles de la cour, « habillées à l’antique africaine, mais fort court pour ne point nuire à la danse… » — « Leur habit étoit parti de satin rouge, parti de bleu chamarré et quasi-couvert de passement d’or ; elles avoient chacune une masse d’or à la main et pour coiffure une espèce de bourguignote, coupée à jour, renforcée de lamettes d’argent et incarnat et relevée en haut d’une touffe de plumes, qui donnoit une grande grâce à celles qui la portoient. »

Le premier pas achevé, un berger s’avança, « lequel, comme ramenant ses troupeaux en l’étable au coucher du soleil, sortit des bois en chantant. « Et il chanta des vers que le sieur Malherbe, poète très illustre, avait, pour la circonstance, arrachés à sa veine peu féconde :


Houlette de Louis, houlette de Marie,
« Dont le fatal appui met notre bergerie
Hors du pouvoir des loups :
Vous placer dans les deux, en la même contrée,
Des balances d’Astrée,
Est-ce un prix de vertu qui soit digne de vous ?
................
Aussi dans nos maisons, en nos places publiques,
Ce ne sont que festins, ce ne sont que musiques
De peuples réjouis ;
Et que l’astre du jour ou se lève, ou se couche,
Nous n’avons en la bouche
Que le nom de Marie et le nom de Louis.
................
Un siècle renaîtra comblé d’heur et de joie,
Où le nombre des ans sera la seule voie
D’arriver au trépas :
Tout y sera sans fiel comme au temps de nos pères,
Et même les vipères
Y piqueront sans nuire, ou ne piqueront pas.