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50 modernes ou anciens (arbres de deux révolutions et au-dessus), 100 à 120 baliveaux par hectare ; la part faite à la jouissance reste à peu près égale et la dépense annuelle en travaux d’amélioration ou d’entretien s’élève à 1 fr. 50 par hectare[1]. Les droits d’usage, pâturage du grand bétail, pacage des moutons et des chèvres, pacage des porcs, tendent à disparaître, et l’on ne saurait trop s’en réjouir, car ils créent pour le propriétaire forestier une entrave permanente à tout progrès ; cependant beaucoup de communes persistent à solliciter l’autorisation d’introduire leur bétail dans les cantons dits défensables, c’est-à-dire âgés de 13 ans et au-dessus ; et, en 1886, on a ouvert pour 177 communes 20,374 hectares qui ont reçu 14,164 têtes. La plupart des agens de l’État considèrent cette pratique comme déplorable et presque aussi dangereuse que ces deux fléaux des forêts, le vent, le feu ; or, un seul ouragan a abattu en mars 1886 15,000 mètres cubes de sapins sur 3,000 hectares des forêts qui couvrent le versant méridional des Vosges appartenant à la Haute-Saône[2].

Ici comme ailleurs, les forêts se divisent en deux groupes : 1o celles qui sont soumises au régime forestier, bois de l’État, des communes et établissemens particuliers ; 2o celles des particuliers. Cette classification d’après leur état social est en général écrite sur leur physionomie propre. Pressé de jouir, tourmenté par le génie inquiet de notre époque, le particulier exploite le plus vite possible, n’élève guère de grands bois, se contente de jeunes taillis avec des réserves peu nombreuses et de faible grosseur ; heureux encore s’il n’applique pas la formule d’égoïsme transcendant : après moi le déluge, s’il conduit ses coupes en père, non en fils de famille. L’État, représentant des idées de prévoyance, de durée, cultive à longue échéance, produit de la futaie avant tout ; de même, la commune, perpétuelle comme l’État, adopte les longues révolutions, élève de grands bois : le taux de placement qui règle la conduite des particuliers et s’abaisse à mesure que s’allonge la révolution, préoccupe moins les corps moraux ; de là les différences que

  1. Superficie du Doubs, 522,776 hectares ; forêts, 136,260 hectares. — Jura, 409,401 hectares ; bois, 150,122 ; terres labourables, 171,704 ; prairies naturelles, 46,221 ; prairies artificielles, 39,859 ; vignes, 18,718 ; pâturage et parcours, 48,672 ; .surfaces bâties, chemins, terres incultes, 21,105 hectares.
  2. L’importance des diverses essences peut se nombrer ainsi : chêne, 55,144 hectares ; charme, 40,224 ; essences diverses (pins compris), 38,816 ; hêtre, 25,927 ; sapin et épicéa, 2,000. — Le sapin et le hêtre forment les essences dominantes à partir de 700 mètres ; le chêne rouvre y devient rare, le pédoncule disparaît. À mesure qu’on descend, les résineux disparaissent, le hêtre perd de son importance, le charme et le chêne deviennent de plus en plus abondans. Au nord-est du département, sur les hauts plateaux, la forêt s’arrête, faute d’abris, à quelques mètres du point culminant, et cède la place aux pâturages.