Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/590

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pierres précieuses de Septmoncel, les tourneurs et sculpteurs de Saint-Claude, voilà, en résumé, l’histoire du développement industriel de notre province. Si Colbert et Pellisson ont pu affirmer qu’il suffit de laisser faire les Français pour qu’ils changent les rochers en or, et que la Comté est l’abrégé de la France, il faut déplorer d’autant plus une législation oppressive qui semblait conspirer contre toute bonne volonté, entravant à la fois production, consommation, exportation. Devenue française, la Comté reste étrangère au point de vue commercial ; contre elle, à l’entrée, à la sortie des marchandises, une armée de commis élèvent d’insupportables bastilles au nord, au midi, à l’ouest, à l’est ; des impôts de tout genre en font chaque année sortir plusieurs millions dont il ne rentre pas la moitié de produits. Un Franc-Comtois, disait-on, ne porte pas un habit de drap qui ne soit imposé au moins à cent sols. Et, reprenant les doléances de l’Académie de Besançon, les commerçans de cette ville, lorsqu’ils rédigent leurs cahiers pour les états-généraux de 1789, signalent fortement le régime financier imposé à la province, le reculement des barrières aussi nécessaire que l’abolition des privilèges et l’égalité devant l’impôt ; jusqu’ici, remarquent-ils, nous n’avons été Français que pour en acquitter les charges. Quelques mois après, leur vœu était exaucé par l’assemblée constituante.[1].

Au XVIIe siècle, l’industrie horlogère a pénétré par Morez, les Foncines et les villages voisins ; bientôt la renommée de leurs produits se répand au loin, grâce aux Daclin, aux Fresnoy, aux Jeannin, qui se transmettent de père en fils les secrets de leur art ; de 1755 à 1766, des émailleurs du Locle, Genève et Neufchâtel initient à leurs procédés les ouvriers de Morez. Voltaire attire des horlogers genevois à Ferney, et sa colonie devient un centre de fabrication qui pendant quelque temps trafique avec le monde entier. En 1790, un horloger d’origine genevoise, Mégevand, homme intelligent et énergique, amené à Paris par ses affaires, entre en relations avec Mirabeau, Condorcet, Fonfrède, Vergniaud, qui l’engagent à établir une fabrique d’horlogerie à Besançon et lui promettent leur appui. Ses démarches, celles de ses protecteurs aboutirent, et le 21 brumaire an II (novembre 1793), les citoyens

  1. Léonce Pingaud, l’Industrie et le Commerce en Franche-Comté au XVIIIe siècle. — Mairot, l’Industrie en Franche-Comté. — Pierre Dubois, Lettres sur l’horlogerie, 1853. — Docteur Perron, Histoire de l’horlogerie en Franche Comté, 1860. — Docteur Muston, Compte-rendu de la Société d’émulation de Montbéliard, 1859. — Docteur Lebon, Études historiques sur l’horlogerie en Franche-Comté. — Revue horlogère de Besançon. — Bulletin de l’Observatoire chronométrique, astronomique et météorologique de Besançon, par M. Gruey. — MM. Charles Sandoz et Savoye ont bien voulu me communiquer leurs intéressantes études sur la question.