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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/654

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I.


Et d’abord, sois fidèle à la chambre d’étude ;
Prends-y, sur chaque jour, d’une stricte habitude.
Un temps pour la pensée et pour la solitude.

Fais-en le port caché, l’abri sûr et charmant
Où, dans la paix du cloître et le recueillement.
Tu puisses te trouver toi-même à tout moment.

Laisse à ses vanités l’oisif qui te réclame,
Qui, sans même savoir se chauffer à ta flamme.
Pour dorer son néant ferait brûler ton âme.

N’ouvre qu’à peu d’amis ton cœur et ta maison,
Car ils sont rares, ceux qui, sans autre raison,
Te cherchent pour toi-même et dans toute saison.

Quelquefois tu t’es plaint qu’il te manquait des heures,
Mais alors fuyais-tu le monde et tous ses leurres
Pour écouter en paix les voix intérieures ?

C’est quand le bruit s’est tu, quand le ciel s’est voilé,
Que de son chant profond dans l’espace envolé
Le rossignol emplit le silence étoile.


II.


Quant aux muets amis, les livres, fais la somme
De tous ceux qu’en un jour, — pour un jour, — on renomme,
Et sois, encore ici, de ton temps économe.

Trop de faits et de mots, dans le plus vain écrit,
Obsèdent la mémoire et dissipent l’esprit.
Et sur tant de gravier rien ne germe et fleurit.

Mais rouvre les chefs-d’œuvre où se sont cadencées
La grâce, la vertu, les amours, les pensées
Des siècles abolis et des races passées ;