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D’un souffle de théâtre en vain l’enflerais-tu ?
Rien n’en pourra sortir si ton cœur n’a battu,
Qu’un bruit sans efficace en des mots sans vertu.

Or, il ne s’agit pas de soulever, une heure,
Une acclamation qui décroisse et qui meure,
Mais de laisser au monde un ferment qui demeure.

Il te faut, quand le monde a besoin de secours,
Non tromper son attente avec de vains discours,
Mais ramasser ta force et lui crier : « J’accours ! »

Car c’est là ta noblesse, et ta gloire assurée,
De servir par tes chants à la marche sacrée
De ce monde en travail qui se cherche et se crée.

C’est à toi, si tu veux, de l’avancer d’un jour
Sur ce chemin montant qui n’a point de retour
Vers la Beauté, la Foi, l’Harmonie et l’Amour ;

C’est à toi d’ajouter, l’entraînant vers la cime,
À son vague penser ton verbe qui l’exprime,
À son obscur désir ta volonté sublime.

Chante donc des chants purs devant les purs autels,
Et les temps à venir les retrouveront tels,
Roulant de cœurs en cœurs en échos immortels.

Et si pourtant la gloire, absente à leur baptême,
Laissait tomber sur eux l’obscurité suprême.
Ne t’inquiète pas, — leur prix sera le même.

Puisque tu les auras, ces chants, ces cris, ces vers.
Avec tes actions et tes pensers divers,
Associés dans l’ombre aux fins de l’Univers.


AUGUSTE DORCHAIN.