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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/875

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hâter de diminuer la charge, car le fourrage privé des substances solubles entraînées par le liquide écoulé ne formerait plus qu’une masse fibreuse, coriace, peu recherchée par les animaux ; les vaches auxquelles on présente ces fourrages mal ensilés expriment très clairement en soufflant, en éparpillant les herbes avec leur muffle, que la ration n’est pas de leur goût.

Quand l’ensilage est réussi, les animaux consomment très bien cet aliment, qui peut être conservé pendant tout l’hiver. On n’évite pas cependant que les moisissures n’aient gâté une partie de la matière végétale ; au sommet, sur les parois, partout où l’air peut pénétrer, une couche plus ou moins épaisse est envahie par les blanches ramifications des champignons ; on sent très bien à la main que la température est là beaucoup plus élevée que dans le reste de la masse. Celle-ci a une saveur acide très prononcée, due à la production de l’acide lactique (l’acide du lait aigri), et à de plus petites quantités d’acides butyrique et acétique (les acides du beurre rance et du vinaigre). Le fourrage ensilé est une sorte de choucroute que les animaux consomment volontiers.

Si, au lieu d’entasser les couches de maïs rapidement les unes sur les autres, et de les comprimer aussitôt que le tas est monté à une hauteur convenable, on opère plus lentement, laissant chaque couche s’échauffer avant de la recouvrir d’une nouvelle assise, c’est une autre fermentation qui se produit ; au lieu de se transformer en acides, les sucres, l’amidon, et matières analogues contenues dans les plantes ensilées, produisent de l’alcool ; la masse ensilée répand une odeur agréable de foin au lieu de fleurer l’acide butyrique dont l’odeur forte nous répugne. Cette variété d’ensilage est dite ensilage doux ; les plantes ainsi conservées ne doivent pas rester longtemps exposées à l’air, elles moisissent bien plus aisément que celles qui ont subi la fermentation acide.

Bien que l’étude de ces fermentations ne soit pas encore complète, on peut esquisser la marche des phénomènes ; la fermentation butyrique est provoquée par des fermens vivant à l’abri de l’air, par des fermens anaérobies qui se rencontrent dans les terres cultivées. Si on remplit un ballon de verre d’eau légèrement sucrée, qu’on y ajoute une poignée de terre de jardin, une poignée de carbonate de chaux en poudre, puis, qu’on expose le tout à une température de 35 degrés environ, on voit se produire une fermentation extrêmement active. Il se dégage rapidement une multitude de bulles d’hydrogène et d’acide carbonique… le sucre est transformé en acides acétique et butyrique… il est vraisemblable que, dans la fermentation acide, les fermens sont apportés par la terre qui souille les plantes ensilées.