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LE
MONDE ANTILIEN

I.
LES BERMUDES ET LES BAHAMA.

Depuis trois jours l’Océan Queen, grand paquebot américain de l’Atlantic and Pacific mail steamship company, avait quitté Aspinwall, faisant route pour New-York. Sur la mer des Antilles que trouait infatigablement son hélice, pas une ride à la surface de l’eau, pas un souffle de vent dans l’atmosphère lumineuse et chaude, pas un nuage au ciel. Nulle voile à l’horizon, nul panache de fumée signalant au loin la fuite d’un bateau à vapeur. Sur le pont qu’abritait la tente, les passagers lisaient, rêvaient ou causaient, les jeunes misses américaines chuchotaient ou flirtaient et les matelots disposaient à l’arrière un piano, qu’à la requête de ses passagères, le capitaine avait fait monter du salon pour la sauterie du soir.

— Terre à tribord, héla le matelot de vigie.

Une forme indistincte et confuse se levait au large. Un voile léger l’enveloppait, dérobant aux regards des pentes abruptes plongeant à pic dans les flots. C’était la sentinelle avancée de la