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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/237

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fonctions au Président de la République, lequel confierait alors la mission de composer un cabinet plus harmonique à tel personnage qu’il jugerait convenable ?

Mais ce que ne dit aucun des journaux qui prônent l’une ou l’autre de ces combinaisons, c’est le nom de ce personnage. Et s’ils ne le disent pas, c’est précisément qu’aucun nom ne paraît s’imposer à l’opinion publique, qu’aucun député ne parait posséder dès à présent une autorité assez grande sur la Chambre pour assumer la responsabilité du pouvoir avec des chances sérieuses de succès. On reproche à M. Carnot, avec plus ou moins de fondement, d’être partisan de ces cabinets hétérogènes qui n’excluaient presque aucune nuance républicaine, mais aussi n’en satisfaisaient, n’en représentaient absolument aucune. Résultant de forces contraires qui se neutralisaient, ces gouvernemens étaient, par une loi mathématique, condamnés à la quasi-immobilité.

Personne ne veut plus de ce système, ni dans la gauche extrême, ni dans la gauche modérée, qui devient aujourd’hui le centre et presque la droite. Il n’est donc pas vraisemblable qu’on y persiste. Le seul point est de savoir comment on en sortira. Il est probable que l’intention de M. Dupuy, conforme en cela à celle de tous ses prédécesseurs, n’est pas de quitter volontairement le pouvoir. Le président du conseil ne peut se dissimuler qu’il n’est pas lui-même parfaitement homogène ; que ses discours, ses actes administratifs, ont été, depuis six mois, ondoyans et divers ; il est sans doute mal à l’aise pour procéder parmi ses collègues aux épurations, aux « débarquemens », comme on disait l’hiver dernier, que l’on attend de lui. Je crois cependant qu’il n’a que bien juste le temps d’agir.

Si M. Carnot ne croit pas devoir prendre sur lui d’appeler à la direction des affaires, par exemple, M. Casimir Perier, ou M. Develle, ou M. Cavaignac, ou M. Léon Say, dont les uns se récuseraient peut-être, dont les autres, bien qu’indiqués pour faire partie d’un cabinet modéré, ne se croiraient en mesure de la présider ; s’il conserve M. Dupuy dans son poste de premier ministre, c’est à ce dernier qu’il appartient de dégager lui-même sa propre politique, sur un programme défini et avec des collègues décidés à le soutenir. En un mot, si le ministère ne crée pas sa majorité, ce sera la majorité qui créera le ministère ; mais le ministère qui sortirait alors d’une interpellation ou d’un ordre du jour, pourrait fort bien n’être plus le ministère Dupuy.

Ce programme que le pays réclame doit être net et précis. Il ne faut pas se gargariser de phrases vagues et oratoires. Il est superflu de parler de conciliation ; d’abord parce que la conciliation, à elle toute seule, n’est pas une politique, ensuite parce que le seul point sur lequel les modérés et les radicaux soient d’accord, c’est la nécessité d’un divorce absolu. Il ne faut donc pas, ainsi que M. Dupuy le disait il y a