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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/305

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à l’histoire un modèle accompli de chevalerie et de tolérance religieuse. — Il y a même une femme qui réussit à monter sur le trône d’Égypte. Elle avait été l’esclave favorite du dernier des sultans Ayoubites, qui l’avait surnommée Ghaggered-Elddor (Arbre de perles) à cause des richesses qu’attirait sa splendide beauté et que son cœur insatiable faisait ruisseler autour d’elle. Savamment, longuement, elle prépare la chute de son maître. Elle en impose si bien aux émirs et aux imans qu’elle réussit à se faire proclamer souveraine, malgré l’anathème prononcé par Mahomet contre les peuples gouvernés par une femme. Elle règne plusieurs années avec son amant, puis le fait assassiner par jalousie et meurt déchirée par sa rivale, son cadavre jeté aux chiens.

Cette Cléopâtre turque, à laquelle il a manqué un Plutarque, ouvre le règne des Mamelouks. Les sultans arabes avaient composé leur garde prétorienne d’esclaves achetés parmi l’élite de la jeunesse tartare et circassienne. « Pourquoi appelles-tu les vautours dans le nid de l’aigle ? » avait dit à ce propos un poète au sultan Mélek-el-Salèh. Juste prédiction ! Les maires du palais renversèrent les tyrans, et les aigles arabes furent chassés par les vautours de l’Asie. Alors commença le règne des passions sans frein. Les Mamelouks se disputèrent furieusement le pouvoir, jusqu’au jour où Sélim 1er, le maître de Constantinople, écrasa l’anarchie égyptienne sous son pied de fer. Cependant les Mamelouks ne furent point des barbares : ils s’assimilèrent la civilisation arabe, protégèrent les lettres et les arts. Le Caire leur doit ses plus belles mosquées, et le peuple, en les appelant tombeaux des khalifes, a rendu justice instinctivement à leur beauté pittoresque qui résume la poésie de toute une époque. C’est pour cela sans doute que la légende arabe a retenu les noms de Kalaoun, d’Ahmed, de Hassan, de Barkouk et de Kaït-Bey.


iv. — la mosquée sultan hassan et la citadelle, le génie de l’islam

Avec les quatre cents mosquées du Caire on ferait certainement l’histoire la plus pittoresque et peut-être la plus vivante de cette ville et de l’Égypte musulmane. À ne parler que des plus importantes, il faudrait visiter d’abord celle d’Amrou, la première en date. Selon Makrizi, elle doit son origine à un gracieux épisode, qui nous montre le général d’Omar exerçant la noble hospitalité arabe envers l’oiseau de Vénus. Au moment de lever le camp pour mettre le siège devant Alexandrie, les soldats d’Amrou s’aperçurent qu’une paire de colombes avait fait son nid sur le sommet de la tente du général et que les petits étaient sur le point d’éclore. On demanda à Amrou s’il fallait renverser le nid : « À