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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/33

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Outre la remise des places, le licenciement des troupes et la renonciation aux « alliances, ligues et associations », conditions qui n’avaient jamais été contestées, le traité imposait à M. le Prince une série de déclarations conçues en termes humilians et qui devaient « servir de démission pour ses charges et gouvernement », retenus par le roi très chrétien. Nous y trouvons encore : la restitution du rang et des biens gravement amoindrie par la confiscation de Chantilly, « que le roy très chrétien retiendra moyennant indemnité » ; — La liberté de résidence limitée aux lieux et places « qui ne seront pas suspects au roy très chrétien », sorte d’exil à l’intérieur ; — Les amis et serviteurs, rentrant aussi sans charges ni gouvernemens, étaient astreints à la résidence forcée. — Enfin les formules offensantes et comminatoires semblaient accumulées à plaisir pour donner au pardon le caractère d’un outrage.

Le conseil était réuni. Lenet achevait sa lecture. « Pimentel est un misérable, un infâme », s’écrie don Luis. — « Il a déshonoré le roi », répètent les membres du conseil. « On lui coupera le col. — Dieu sait, dit encore don Luis, avec combien de passion je souhaitai mourir le 16 janvier dernier ; pourquoi faut-il que j’aie survécu au malheur qui m’arriva en ce jour (la défaite d’Elvas) pour assister à cette infamie ! » — Les ministres voulaient faire partir Lenet tout de suite : « Qu’il aille prendre les ordres de M. le Prince ; on fera ce que S. A. voudra » ! Mais Lenet voit le piège, comprend qu’on cherche à éloigner un témoin incommode, et la tentative est déjouée. Les projets et les combinai- sons se succèdent ; c’est une véritable comédie ; car le résultat ne fait point de doute et le parti est pris. On cherche à se persuader qu’il ne faut pas trop se préoccuper de la lettre du traité ; l’important est d’amener Mazarin à la frontière. Une fois les deux premiers ministres en présence, on réglera sur de nouvelles bases ce qui regarde les alliés. — « Mais, reprend Lenet, comment pouvez-vous aller négocier à la frontière, avec le dessein avoué de contrevenir à ce que vous aurez ratifié ? Vous serez blâmé de toute l’Europe. »

Vers la fin de cet orageux débat, Lenet se trouve remonté, et, bien qu’un peu ému de ce que Pimentel a recueilli de la bouche de Mazarin sur les relations de Condé avec le cardinal de Retz, il termine son long rapport[1] par des paroles de confiance : don Luis lui a exposé en détail le plan bien arrêté de sa discussion avec Mazarin, et il a bon espoir.

Il est certain que le refus de ratifier le traité Pimentel aurait

  1. Dix jours après l’avoir commencé, 24 juin.