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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/475

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présentent sous la forme de grandes lois vagues et mal digérées, et que l’on néglige, ou que l’on repousse, des lois plus modestes mais claires, d’une exécution aisée, et dont on obtiendrait un progrès, non pas immense, mais certain. Ainsi la Chambre se préoccupe de mettre le crédit à la portée des classes laborieuses, ce qui aurait pour effet, tantôt de leur permettre de gagner de l’argent en développant leurs moyens de production, tantôt de les empêcher de perdre celui qu’elles ont péniblement acquis, comme il arrive en ce moment aux paysans qui vendent à vil prix, faute de fourrages, un bétail qu’ils devront racheter au poids de l’or, l’été prochain.

Si la question est intéressante, elle est aussi très difficile à résoudre ; puisque le crédit comporte une solvabilité assurée chez l’emprunteur, et qu’il s’agit ici d’avancer des fonds à des personnes qui n’offrent presque aucune « surface », comme on dit en langage commercial. En effet, le mobilier de l’ouvrier, la monture de ferme du laboureur, sont à peu près tout ce que l’un et l’autre possèdent, et ces deux espèces de biens sont déjà gagés, pour la créance spéciale du propriétaire. La Chambre a cependant voté, après force discussions, une caisse centrale de crédit agricole et populaire ; elle a doté cette caisse, dans laquelle il n’y a rien encore, d’une rente de 2 millions que fournira la Banque de France… lorsqu’on aura renouvelé son privilège. Or, ce privilège, on ne l’a pas renouvelé jusqu’ici ; par conséquent les 2 millions ne sont qu’à l’état d’espérance. La caisse n’est qu’une idée généreuse, fort éloignée du jour de son fonctionnement ; et les petites gens qui ont besoin d’espèces sonnantes sont bien forcés d’ici là de s’adresser ailleurs.

Leur seul banquier, présentement, est le Mont-de-piété. Une loi qui avait pour but d’améliorer les conditions du prêt par cet établissement, était présentée au Palais-Bourbon par le gouvernement, quelques semaines après le vote de la banque populaire. Il ne s’agissait pas cette fois d’un projet grandiose mais platonique ; la mesure entrait de suite en exécution, et les intéressés en recueilleraient aujourd’hui le bénéfice. Ces intéressés sont nombreux ; le Mont-de-piété prêtant chaque année 55 millions de francs à 2 400 000 individus.

La combinaison proposée par le directeur, M. Edmond Duval, homme de grand mérite qui a déjà réalisé, dans l’institution à la tête de laquelle il est placé, des progrès sérieux, tels que le prêt sur valeurs mobilières, et projette d’en réaliser d’autres encore, comme le prêt sur titres de pensions militaires ou civiles ; la combinaison consistait, pour soustraire les petits emprunteurs aux ignobles usuriers qui les exploitent, — en prêtant au taux de cent vingt pour cent par an sur les reconnaissances du Mont-de-piété, — à faire prêter désormais, par le Mont-de-piété lui-même, les neuf dixièmes de la valeur des objets qui