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coopérative, il existait dans le Royaume-Uni, en mai 1891, 119 sociétés coopératives de production, s’étant établies sous le régime de l’Industrial and Provident Societies Act de 1876 ; les compagnies d’Oldham, bien antérieures, ne sont pas comprises dans ce chiffre ; le nombre des membres est porté à 27 214. L’importance des affaires de ces 119 sociétés montait à 2167000 livres sterling, environ 55 millions de francs, somme assez considérable en bloc, mais qui ne représente pas 500 000 francs pour chacune d’elles. D’après M. Schloss, 75 pour 100 de ces sociétés coopératives de production échoueraient : la plupart seraient de petites associations de patrons occupant des ouvriers salariés auxquels ils refuseraient toute participation aux bénéfices ; il n’y aurait pas plus de 20 de ces associations de production qui feraient aux ouvriers une part dans les profits, et cette part ne dépasserait pas en moyenne 25 francs par tête.

L’analyse minutieuse à laquelle s’est livrée miss Potter sur 54 de ces sociétés est particulièrement intéressante et démonstrative. L’auteur, nous l’avons dit, est un des apôtres de la coopération : aussi est-elle particulièrement frappée des dissemblances qu’elle constate entre l’étiquette coopérative et l’organisation vulgaire qu’elle couvre souvent. Miss Potter répartit ces 54 sociétés en quatre classes suivant qu’elles se rapprochent plus ou moins du véritable type coopératif. Elle n’en place que 8 dans la première ; on ne peut même pas considérer ces 8 associations comme de pures sociétés coopératives de production : sur quelques points essentiels elles s’éloignent encore de la théorie : presque tous les ouvriers occupés, à savoir 440 sur 483, sont actionnaires ; mais on ne peut dire que les ouvriers aient la direction de ces associations, car ils ne possèdent que 440 actions sur 1 457, les 1 017 autres appartenant à des personnes qui ne travaillent pas pour l’établissement. Quant au comité de direction, il devrait, suivant l’idéal coopératif, se composer uniquement d’ouvriers choisis par le personnel occupé : or, parmi ces 8 sociétés, plusieurs ont des administrateurs ou gérans qui non seulement n’ont jamais été employés dans l’affaire, mais qui sont étrangers à tout travail manuel, et qui n’ont même jamais été engagés, dans l’industrie dont s’occupe la société. Ainsi, même dans cette première classe des associations examinées par miss Potter, on s’écarte gravement de l’idéal coopératif et de la théorie pure de la coopération. La plupart de ces 8 sociétés sont des groupes bien exigus. Trois d’entre elles ne font pas, réunies, pour 25000 francs d’affaires par an ; quatre n’ont pu distribuer aucun dividende à leurs associés. Une seule, la Leicester Boot Manufacturing Society, la fabrique de bottes de Leicester, emploie plus de 80 ouvriers.