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indépendantes, dont les principales étaient les Svat, occupaient trois ou quatre vallées pauvres et presque inaccessibles, au nord de la rivière Kaboul, c’est-à-dire au nord des fameuses gorges de Peschaour, célèbres par le passage des grands conquérans de l’Inde, et plus récemment par les combats que les Anglais eurent à y livrer. Enfin, sur le sommet même du Pamir, un simple chef de voleurs indépendant, Sabib-Nazar, tenait encore le pays, réunissant sous sa loi les outlaws et les écumeurs de frontières échappés de l’Inde, de la Chine et du Turkestan russe.

Telle était la situation politique de ces régions, situation simplifiée depuis vingt ans, mais encore assez complexe, lorsque l’Angleterre jugea indispensable d’y intervenir. À la suite de la révolte des Houzaras, peuplade guerrière, dont l’importance politique ainsi que la nouveauté sur la scène du monde ne peuvent être comparées qu’à celles qu’avaient les Khroumirs au moment de la campagne de Tunisie, et dont l’état troublé, sur leur territoire indépendant et presque inaccessible, n’était pas moins dangereux pour l’Angleterre que les agissemens de ces derniers pouvaient l’être pour la France, le colonel Lockhart, aujourd’hui général, entrait en campagne avec quatre mille hommes, s’emparait en peu de jours de la haute vallée de l’Indus en amont du point où ce fleuve traverse l’ancienne frontière de l’Inde ; il se portait très rapidement jusqu’au confluent du fleuve avec la rivière de Guilguil, pénétrait dans les défilés d’où sort cette dernière, et occupait les vallées du Khondjoul, du Yassine et du Svat. Sur ces entrefaites, le frère du mehtar de Tchitral, Askoul-Khan, sortant fort à propos des montagnes du Badakchan, pays mal policé, où l’influence boukhare, inféodée à la Russie, avait été un moment sur le point de prévaloir, assassinait son frère, selon l’usage de sa famille, juste à temps pour motiver en Kafiristan l’intervention des Anglais, que ne pouvait laisser indifférens un pareil attentat contre la morale publique, dans ce pays où d’ailleurs aucun Européen n’avait jamais résidé. Comme épilogue des opérations militaires et diplomatiques qui ont eu lieu depuis lors dans ces contrées, et qui ont été conduites avec autant de vigueur que de décision, l’ancien capitaine Younghusband, l’éminent voyageur, champion des Anglais sur le Pamir et émule du champion russe Groumbtchevsky, vient d’être nommé, il y a quelques semaines, agent diplomatique de l’Angleterre au Khondjoul et au Tchitral, avec des pouvoirs exceptionnels.

Sous son gouvernement, le Kafiristan tout entier, qui a été arraché aux Afghans, mais pour tomber sous la domination directe des Anglais, le Yassine, le Khondjoul et, le Svat vont former dorénavant une nouvelle province de l’Empire indien, grande