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Caspienne ; cette marche a présenté deux étapes bien distinctes, la première naturellement très lente, les moyens de communication étant très lents, la seconde très rapide, puisque le choléra a eu pour véhicule le chemin de fer transcaspien et les bateaux à vapeur de la mer Caspienne.

C’est là ce qui distingue l’épidémie de 1892 de celle de 1823, 1830 et 1846. Il a fallu à ces dernières plusieurs années pour aller de l’Inde à la mer Caspienne. L’épidémie de 1892 n’a mis que quelques mois, et sa dernière et décisive étape n’a été que de quelques semaines. Les premières épidémies ne pouvaient pas franchir directement la mer Caspienne, aucun moyen de communication n’existant entre le littoral oriental de cette mer, occupé par les Turcomans, et son littoral occidental ; elles étaient obligées de contourner son littoral méridional par les caravanes, qui, après avoir traversé le Khoraçan, le Mazandéran et le Ghilan, longent la route unique qui borde le littoral occidental de cette mer, littoral que j’ai moi-même exploré en 1869. En 1892, au contraire, la maladie, gagne Bakou en chemin de fer et en bateau à vapeur par le littoral oriental, s’embarquant sur cette côte que les Turcomans fermaient autrefois.

Depuis 1846, le choléra semblait avoir abandonné la route de terre, qui était délaissée par les voyageurs à cause de sa lenteur. Aujourd’hui le nouveau chemin de fer transcaspien, la navigation à vapeur de la Caspienne, la rendant plus rapide, le choléra l’a reprise aussitôt. J’ajouterai que la maladie ne semble pas avoir perdu, depuis l’Inde jusque dans ces régions, son caractère de violence ni son caractère d’expansibilité.

Le choléra s’est déclaré à. Bakou le 4 juin à la suite du débarquement de malades venant de la Transcaucasie. Dès le début, la panique a été générale, l’ascension de la courbe de la mortalité très rapide ; l’aspect de la ville était désolé, les magasins fermés, les affaires suspendues, et, dans les rues presque désertes, on ne voyait guère que des voitures transportant des malades et des morts. Les malheureux étaient chargés sur des arabas, le plus souvent à découvert.

Comparez ce tableau avec celui de Paris à la même époque ; Paris était contaminé par le choléra de la banlieue, et une grande partie de la population ignorait même qu’il y eût du choléra. La ressemblance était plus grande avec Hambourg, qui avait été infecté par des importations venues de Russie, et qui a présenté, en 1892, une épidémie aussi redoutable que celle qui a sévi à Paris en 1832.

En Afghanistan, les mesures de prophylaxie ont été nulles. Au moment où le choléra sévissait à Hérat, le gouvernement