Le spectacle d’Antigone à la Comédie-Française est d’une beauté souveraine et peut-être plus pure encore, plus délicate, en quelque sorte plus intérieure que la beauté même d’Œdipe-Roi.
Sous les murs de Thèbes les deux fils d’Œdipe, l’un attaquant, l’autre défendant leur commune patrie, se sont entre-tués. Créon leur oncle, tyran de Thèbes, a rendu les honneurs funèbres au seul Étéocle ; à Polynice, qui porta les armes contre la cité et contre les dieux, il a interdit de les rendre. Bravant le décret impie, la pieuse Antigone répand sur les restes abandonnés de son frère la poussière prescrite et les libations lustrales, et pour ce noble crime, Créon la fait enfermer vivante en un tombeau. Vainement Hémon, fils de Créon et fiancé d’Antigone, implore son père.
Il faut, pour fléchir le roi, que le devin Tirésias le menace des pires malheurs. Alors seulement, pressé par la crainte, Créon s’élance au secours de la captive. Il n’arrive que pour la trouver morte, suspendue au nœud de sa ceinture, et pour voir Hémon se tuer à côté d’elle. Il revient, le vieux roi, portant entre ses bras le cadavre de son fils, et sur le seuil du palais il trouve un cadavre encore : celui de la reine, qui n’a pas voulu survivre à son enfant. Tel est en deux mots le sujet, et, comme on dit, l’argument de l’antique tragédie.
Nous disons tragédie, et si nous parlions d’Œdipe-Roi, nous dirions, prenant certes le mot au sens le plus honorable, même le plus glorieux, mais nous dirions pourtant mélodrame ; entre les deux chefs-d’œuvre, et sans doute à l’avantage d’Antigone, voilà une première différence. Œdipe, est en effet un mélodrame, parce que l’intérêt y réside dans