Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/807

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelques raisons, quoique la raison dise en principe le contraire ; sans sortir du cercle étroit que nous nous sommes tracé, nous pouvons essayer de les mettre en relief.


I

Le travail des mines est pénible, dangereux, et, dans une certaine mesure, malsain. Chaque jour, les compagnies, secondées par la science, s’efforcent d’amoindrir les chances de péril, mais elles ne sauraient en modifier les conditions essentielles ; la sécurité dans la descente et dans les galeries est devenue plus grande ; l’éclairage, comme l’aérage, s’est amélioré, et l’heure viendra où, grâce à l’électricité, les explosions de grisou si terribles et si funestes ne seront plus qu’un souvenir. Rien pourtant n’apportera dans les entrailles de la terre cette pure lumière et ce grand air qui donnent au marin, bien plus exposé que le mineur et moins bien payé, un si beau courage et une si vive passion pour son métier. On peut dire sans exagération que, pendant son travail de taupe, la vie du mineur est en quelque sorte suspendue. Pendant huit heures, il semble retranché du nombre des humains. On ne le voit plus et il ne voit plus que ses sombres compagnons de labeur ; il n’entend plus que les coups sourds du pic sur le roc ou sur la veine, le cliquetis agaçant des pelles, le roulement sinistre des wagonnets poussés par les galibots, le pas lourd des chevaux ensevelis comme lui à plus de trois cents mètres sous le sol où poussent le blé et les fleurs. Il n’a plus figure humaine, et ne peut même allumer sa pipe, cette consolation du travailleur. Une allumette, un coup de briquet, c’est la mort. Et la chaleur étouffante qui règne souvent dans ces galeries ! Le corps à moitié nu, la sueur ruisselant et se mêlant aux eaux qui suintent du plafond et coulent sous les pieds, et ces « cheminées » étroites et basses par lesquelles il faut passer en rampant ; et ce froid qui saisit l’ouvrier quand il revient à la surface où il reprend son tricot, et, noir, frissonnant, s’en va par les chemins en courant, les bras croisés sur sa poitrine, afin d’échapper au mal qui le guette pour le terrasser avant l’âge.

Un écrivain a fait de cette vie dure et abrutissante une peinture qui, pour manquer d’exactitude en quelques points, n’est pourtant pas exagérée. Il y a mêlé toutefois des élémens qui ne l’embellissent pas et qui pourraient diminuer l’intérêt dont cette population souterraine est digne. Il nous est commandé par notre propre observation et par notre désir d’être exact en tout point, d’atténuer les trop vives couleurs d’un tableau où l’imagination s’est donné licence. Les mœurs des mineurs n’ont que très