Au second acte, le moulin a été attaqué et conquis. Dominique a fait son devoir avec les autres : il a défendu sa terre d’adoption, son nouveau foyer et la femme qui doit être sienne. Pris les armes à la main, il sera fusillé demain. Mais pendant la nuit Françoise pénètre par la fenêtre auprès de son fiancé prisonnier, lui remet un couteau, et Dominique, par la fenêtre aussi, descend, poignarde la sentinelle et s’enfuit à travers les bois familiers.
Pour le meurtrier disparu, c’est le meunier qui paiera, et de mourir à la place du fiancé de sa Françoise, le brave homme héroïquement se réjouit. Mais voici que, trompant je ne sais comment la surveillance de l’ennemi, Dominique reparaît à la dérobée. Merlier lui cache la vérité et réussit à l’éloigner encore. Puis il donne à sa fille un baiser, mais si tendre, si ému, que Françoise devine tout, s’épouvante et s’affole. Soudain sonnent des clairons : les Français ! les Français ! Par malheur, avant qu’ils n’arrivent, l’officier ennemi a le temps de faire exécuter son otage, et quand Dominique revient à la tête de nos soldats qu’il a guidés, il trouve Françoise évanouie auprès du cadavre paternel.
À cette donnée, que lui fournissait le romancier, le librettiste a ajouté quelque chose, ou plutôt quelqu’un, une figure en dehors de l’action, mais non de l’idée : celle de Marceline. Marceline est une vieille servante ; elle a élevé Françoise ; ses deux fils autrefois sont tombés sur les champs de bataille, et dans le fond du drame elle passe, jetant à la guerre, à l’horrible guerre, ses anathèmes de mère désolée. Il semble que ce personnage de surcroît soit le mieux venu. Il est en tout cas le plus favorable à la musique, et celui qu’en retour elle a favorisé le plus. On a regretté que d’une très courte nouvelle M. Gallet eût tiré son livret un peu trop en longueur. Mais il ne pouvait guère l’en tirer autrement, et justement il se trouve que les longueurs, ou, si vous aimez mieux, les épisodes surtout ont porté bonheur au musicien. Ne disons pas : « Il se trouve », car ce n’est point par hasard, mais par l’effet d’une loi. Cette loi veut que la musique en général prenne pour objets des sentimens plutôt que des actions, qu’elle se développe dans le temps comme dans l’espace avec une certaine liberté, sans que l’événement la précipite ni que le drame l’étrangle. À cet égard, la fameuse dénomination de drame lyrique, dont on nous rebat les oreilles, pourrait bien avoir quelque chose de boiteux et presque de contradictoire entre les termes, si le mot drame implique avant tout l’idée du fait, et le mot lyrique au contraire, celle de l’âme qui se déploie et s’épanouit. En tout cas, les pages lyriques de l’Attaque du Moulin sont de beaucoup supérieures aux autres. Dès que la pièce marche, ou qu’elle court, tout intérêt musical cesse. Le dernier acte, capital dramatiquement, est musicalement presque nul. El je ne sais rien de plus vide, de moins vivant, que ce qui devrait être la vie