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incontestablement le plus complétée plus ingénieux et le plus amusant qu’on ait lu.

C’est également à ce désir passionné de pénétrer ces étranges âmes bretonnes que nous devons l’Ane des Korrigans[1] de M. Quesnay de Beaurepaire. L’histoire mi-fantastique, mi-réelle de ce Perronick qui de chouan convaincu, devint patriote exalté, et, — c’est ici la part de la légende et du symbole, — fut changé en Ane des Korrigans pendant la période transformatrice de ses idées, nous ouvre, sous le voile de la fiction, des aperçus nouveaux sur révolution sentimentale de cette race sourde, jusqu’alors, aux grands mots d’honneur national et de patrie française.

De cette révolution qui remua si profondément la Bretagne, nulle figure n’a surgi plus douloureuse et plus innocente que la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette. M. Imbert de Saint-Amand nous présente aujourd’hui le Journal de la jeune princesse[2], corrigé et annoté par Louis XVIII. Toute l’existence de Marie-Thérèse au Temple, du 13 août 1792 au 18 décembre 1795, veille du jour où elle eut dix-sept ans, est relatée en pages qu’une brièveté obligée rond plus poignantes encore. Et parmi ces pages, il n’en est guère de plus tristement sobres que le retour de Varennes. Pas une fois, dans les phases diverses de ce tragique écrit, ne se dément l’énergique piété de cette princesse toute française qui, après plus de trois ans de captivité, ne put quitter le sol de sa patrie sans verser des larmes. Le texte est accompagné d’autographes et de portraits, dont deux de Marie-Thérèse sont finement gravés.

Et puisqu’il est question de la fin de la monarchie et de la naissance de la Révolution, nous ne saurions passer sous silence, après les Mémoires de Marbot[3] si émus, si sincères dans leur simplicité, si attachans par la grandeur des situations et de combats qui tiennent de l’épopée, les Mémoires du général Thiébault[4], qui, à Versailles, assistait à l’agonie de la royauté, et, à Paris, aux massacres de la Terreur avant de combattre comme Marbot sous les ordres et aux côtés de l’empereur. Sur cette époque, dont il est plus que jamais de mode de s’entretenir aujourd’hui les deux premiers volumes des Mémoires du chancelier Pasquier[5], si bien ordonnés et d’une si belle allure, ont apporté les plus précieux matériaux pour achever le tableau d’une époque qui semblait de tous points connue et dont cependant on n’a jamais mieux parlé qu’aujourd’hui.

  1. L’Ane des Korrigans, légendes du Morbihan, par Alfred Quesnay de Beaurepaire, 1 vol. gr. in-8o, illustré par l’auteur ; Firmin-Didot.
  2. Journal de Marie-Thérèse de France, duchesse d’Angoulême, corrigé et annoté par Louis XVIII, introduction par M. Imbert de Saint-Amand, 1 vol. in-8o ; Firmin-Didot.
  3. Mémoires du général baron de Marbot. 3 vol. in-8o ; Plon, Nourrit et Cie.
  4. Mémoires du général Thiébault, tome Ier, in-8o ; ibid.
  5. Mémoires du chancelier Pasquier, tomes I et II, in-8o ; ibid.