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brusque augmentation de nombre a diminué la valeur du titre. En 1860 elle a voulu barrer le passage à une réforme financière ; on la lui a renvoyée l’année suivante, encadrée dans le budget qu’elle n’avait ni le pouvoir de modifier ni l’audace de rejeter en bloc. De ce jour-là date une nouvelle tradition qui lui a fait perdre le dernier vestige de son pouvoir financier. Ainsi c’est la règle invariable : toutes les fois que la Chambre héréditaire a osé avoir une volonté, elle a été vaincue ; elle a été sévèrement, honteusement châtiée.

On dit que les professeurs se risquent trop souvent à politiquer. Les politiques, de leur côté, professent volontiers, et le « grand vieillard » ne fait pas exception à la règle. Dans le discours d’Edimbourg, la leçon d’histoire contemporaine est suivie d’une leçon de droit constitutionnel, qui prend la forme d’une réfutation par l’absurde. Cette assemblée sans mandat, dont on vient de raconter les témérités et les reculades, les méfaits et les punitions, vient de repousser une grande loi populaire, une loi de justice et d’amour, offerte par l’Angleterre à l’Irlande en expiation de ses erreurs séculaires. et parce qu’il a plu à ce club aristocratique de tenir une conduite aussi inconsidérée, on somme le ministère de faire appel au pays ! Ce n’est donc plus le chef du cabinet qui a le droit de dissolution ? C’est donc la Chambre des lords ? M. Gladstone déclare qu’une telle idée serait le comble de l’inconstitutionnalité, qu’elle serait tout simplement « de la haute trahison ». Cela paraît si évident, si logique que l’auditoire éclate en rires encore plus qu’en applaudissemens. L’orateur triomphe et n’a plus qu’à conclure. Les pairs ont beau « porter des noms retentissans » et « siéger dans une Chambre dorée », le peuple anglais saura, « avec l’aide du Tout-puissant, » leur tenir tête et faire respecter ses droits. Par les mots entre guillemets, on voit que M. Gladstone fait appel, quand il croit en avoir besoin, à la démocratie et à la religion, quelques esprits mal disposés diront peut-être à l’envie et à l’hypocrisie. C’est une question de mots ; que ceux qui ont des oreilles entendent !

Ce beau discours, bien divisé et bien conduit, devait mettre le feu aux poudres, mais les poudres ont refusé de s’enflammer ; il devait inaugurer une série de meetings d’indignation, mais l’indignation a manqué aux meetings. C’est M. Gladstone qui se trouve dans une situation fausse, précaire, menacée, et cette situation, je regrette de le dire, ne tend pas à s’améliorer. La grève du charbon, — une des plus épouvantables dont l’histoire industrielle se souvienne, — semble finie, mais tout le monde sait que c’est une trêve, non une paix. Attendez le 1er février et vous