Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 121.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
POÉSIE


I.


LE FIGUIER


Ce figuier était plus de deux fois centenaire ;
Sa branche se tordait comme un nombreux serpent ;
Sous sa voûte on errait comme en un cloître on erre,
Et cet arbre était fier d’ombrager un arpent.

C’était toujours la nuit sous ses rameaux en arches.
Aussi les amoureux s’y donnaient rendez-vous ;
Car les enfans toujours plaisent aux patriarches,
Et les vieux sages sont amis des jeunes fous.

Vrai ! ses tiges vivaient parasites ou franches,
Et leur fourmillement noir bruissait toujours ;
Mais le tronc reposait rassasié de branches
Ainsi que Job était rassasié de jours.

Ses surgeons pullulaient sous le vert de sa robe ;
Mais la sève sans cesse émanait du vieux cœur ;
Ainsi Dieu sur un doigt levé maintient le globe
Et rien qu’en y pensant assure sa vigueur.