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des provinces centrales et méridionales, cette région s’est développée et peuplée comparativement en paix. La race primitive des Ibères et des Celtes s’y est conservée plus pure de mélange. Il semble qu’elle se soit cantonnée, ou ait été refoulée, par des migrations incessantes descendues du nord, dans ce grand quadrilatère adossé à l’Atlantique et aux frontières du Portugal, couvert au sud par les monts Cantabres. La grande voie historique qui, par Bayonne et les provinces basques, abordait le bassin de l’Ebre et le plateau des Castilles, le laissait de côté, obliquant à l’est et au sud, par Burgos, Palencia, Valladolid et Avila, se dirigeant vers Madrid : par Pampelune, Saragosse et Lérida, gagnant l’Aragon et la Catalogne.

Cette région de la Galicie et des Asturies n’est pas seulement isolée du reste de l’Espagne, elle en est distincte par son climat, par le relief du sol, par la population et par les productions, par l’histoire et les traditions. C’est la contrée la plus peuplée de la Péninsule ; sur une superficie de 45 445 kilomètres carrés, elle renferme une population de 2 700 000 habitans, soit près de 60 habitans par kilomètre carré, alors que la moyenne générale du royaume n’excède pas 33. C’est aussi la contrée la plus humide et la mieux arrosée, la plus boisée, l’une des mieux cultivées et des plus salubres. Les côtes sont abruptes, bordées de hautes falaises, découpées en golfes largement ouverts au nord, en anses profondes et en estuaires où se déversent, à l’ouest, de torrentueux cours d’eau. Le pays n’est que vallées et montagnes, vallées fertiles sillonnées d’eaux courantes, montagnes aux pentes cou vertes de noyers, de châtaigniers, de chênes et de beaux bois de construction. Ramifications des Pyrénées cantabriques, les montagnes vont mourir en pente douce dans le Portugal, séparant le bassin du Minho de celui du Douro, et projetant dans l’ouest le cap hardi du Finisterre.

Le Galicien, surnommé l’Auvergnat de l’Espagne, a conservé sa rude écorce primitive, ses mœurs simples, ses traditions hospitalières. Travailleur infatigable, il émigre volontiers, son sol ne suffisant pas à le nourrir. Domestiques ou portefaix, les Galiciens sont nombreux à Madrid où les mozos de cordel sont presque tous Gadlegos ; ils parcourent l’Espagne à l’époque des moissons, louant leurs bras vigoureux dans les Castilles où les bras manquent, en Portugal où l’indolence des paysans laisserait pourrir les moissons sur pied. Sobres et courageux, ils font d’excellens soldats, soumis et disciplinés ; serviteurs silencieux, mais vindicatifs, ils supportent mal le dédain du Castillan hautain qui les considère comme des bêtes de somme et qui, pour résumer en quelques mots un manque de convenance dont il se croit l’objet, dit : He sido