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LES JUIFS SOUS LA DOMINATION ROMAINE.

ville un palais qui parut une merveille. En raison de l’interdiction de la peinture et de la sculpture, Jérusalem ne prêtait pas à un art complet ; Hérode y suppléa par la délicatesse du travail du marbre et une fine polychromie. Ses parcs étaient délicieux, pleine d’arbres, de ruisseaux, de bassins, de tours pour les pigeons ramiers. Les fortifications massives qui l’entouraient servaient en même temps à la défense de l’Acra. Hérode donna aux tours les noms de Phasaël, de Mariamne, d’Hippicus[1]. Cette dernière, conservée jusqu’à nos jours, à l’entrée de Jérusalem, est un des ouvrages du monde qui font la plus vive impression[2]. Il travailla aussi à la vieille tour Baris, qui dominait le temple du côté nord ; mais, du nom de son premier protecteur, il l’appela Antonia. Jéricho dut probablement son théâtre, son amphithéâtre, son hippodrome, à Hérode, qui souvent y fit sa résidence.

C’étaient sans doute plus ou moins des hommages à Auguste que les constructions élevées par Hérode hors de Palestine, et dont le nombre étonne vraiment. La vie, si brillante et si jeune, des villes de Phénicie à cette époque, fut en partie l’œuvre des Hérodes. Délivrées du spectre noir du judaïsme, qui menaçait de les dévorer, ces villes semblèrent revivre. Empêchés, d’ailleurs, en Judée, de donner carrière à leur goût pour les arts, les princes de la dynastie hérodienne se rabattirent volontiers sur les villes voisines. Hérode les combla de bienfaits, et ses dons s’étendirent jusqu’aux villes de la Grèce. Ascalon, Acre, Tyr, Sidon, Byblos, Béryle, Tripoli, Damas, Antioche, Rhodes, Chio, Nicopolis (Actium), Athènes, Lacédémone, reçurent des marques de sa générosité en fait d’érections monumentales. À Rhodes, le temple d’Apollon Pythien, à Antioche, la grande colonnade de la rue principale furent son ouvrage. Il était le bailleur de fonds du monde grec. Apprenait-il qu’une ville avait à réparer un édifice de gloire hellénique, tout de suite il envoyait l’argent nécessaire. Ayant ouï dire que les jeux olympiques étaient devenus pauvres et mesquins, il fit des fondations pour les prix et les sacrifices, si bien qu’une belle inscription lui conféra le titre d’agonothète perpétuel. Il y avait quelque chose de bizarre à ce que l’argent des pieux Juifs fût appliqué à des fins si profanes[3]. L’État, par le mécanisme de l’impôt, fait que le contribuable borné par-

  1. Cet Hippicus paraît avoir été un favori d’Hérode.
  2. C’est la tour qu’on appela tour de David au moyen âge.
  3. Hérode, n’étant pas grand prêtre, ne touchait sûrement rien du temple ; mais les cadeaux qu’il se faisait attribuer devaient être énormes.