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l’effort employés à les extraire des entrailles de la terre se traduit également dans leur valeur. Mais ceci n’est pas une explication suffisante ; car ce même travail appliqué à d’autres matières ne réussirait pas à leur assurer cette fonction dans l’organisation sociale.

Sans croire, comme certains théologiens, à une institution divine, en vertu de laquelle l’or et l’argent auraient de toute éternité été désignés pour servir de monnaie, et sans prétendre accuser de sacrilège celui qui démonétise l’un ou l’autre, nous devons reconnaître qu’un certain consensus de l’humanité paraît jouer ici son rôle. Certes, les lois du travail d’un côté, de l’offre et de la demande de l’autre, entrent pour une part considérable dans la valeur des métaux précieux, mais elles n’en constituent pas à elles seules tous les élémens. Ce qui le prouve, c’est que de 1850 à 1855 la production annuelle de l’or avait doublé dans le monde sans faire varier la cote de ce métal d’une façon appréciable, tandis que l’argent a baissé récemment de 40 p. 100 dans la période où sa production annuelle a quadruplé. A un quart de siècle de distance, des variations énormes dans la production de chacun des deux métaux ont eu des effets tout différens.

On ne saurait donc méconnaître l’importance de l’autre élément, c’est à dire de l’aptitude à remplir la fonction monétaire, et nier que la législation des différens pays ait son influence sur la valeur de l’or et de l’argent.


II.

Les partisans de l’étalon unique ont parfaitement raison de soutenir qu’on ne peut appeler franc à la fois une certaine quantité d’or et une autre quantité d’argent : mais ils ne démontrent pas qu’on ne puisse pas avoir simultanément deux monnaies portant, si elles ne sont pas désignées par leur poids, des noms différens, ou au besoin le même nom, mais suivi de la désignation du métal. Pourquoi n’aurions-nous pas le franc d’or et le franc d’argent ? ou pourquoi ne nous servirions-nous pas parallèlement du gramme d’or et du gramme d’argent ?

Je suis également frappé par la faiblesse des argumens des deux côtés. D’une part, quand les monoristes nous disent que le public ne veut plus de la monnaie d’argent parce qu’elle est trop pesante, ils oublient que la monnaie d’or, elle non plus, ne saurait être sans inconvénient employée à des paiemens dépassant certaines sommes. On l’a bien vu en décembre 1892, alors que la