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aux seules quantités dont la vente aura été, par avance, assurée. Ces quantités seront des plus réduites, car l’industrie ne pourra plus désormais faire aucun approvisionnement, privée qu’elle sera de la faculté d’entrepôt. Dans quelles conditions le commerce pourra-t-il opérer sur des quantités invendues ? S’il veut se réserver le marché français, il lui faudra vendre en cours de voyage, car il ne trouvera plus d’entrepôt sur le territoire français. Or, on sait que la durée des voyages est aujourd’hui de quelques jours. Il devra limiter ses opérations, à l’aventure, aux seuls marchés étrangers, sur lesquels il est moins bien placé que ses concurrens ; il ne lui restera donc qu’à s’abstenir.

Ainsi, l’industrie sans approvisionnemens, le commerce sans entreprises, vivant l’un et l’autre au jour le jour, sans sécurité pour le lendemain qu’ils ne pourront ni prévenir, ni assurer, végéteront quelque temps peut-être pour disparaître bientôt.

Quant à l’admission temporaire, les dispositions proposées sont aussi sommairement énoncées que redoutables pour nos industries. On ne recevrait plus les blés, sous ce régime, qu’à charge de réexportation à l’identique. C’est supprimer l’admission temporaire des blés étrangers. Nos minoteries puisent leurs approvisionnemens à la fois sur le marché national et sur tous les marchés à l’étranger. Le mérite des farines qu’elles produisent, les qualités qui les distinguent, résultent de cette diversité dans la matière première qu’elles emploient, des mélanges qu’elle comporte. Elles associent, dans des proportions diverses, des blés des plus diverses provenances pour donner à leurs farines les qualités que leurs consommateurs recherchent. Elles ne peuvent donc produire l’identique du blé dont elles auront pris charge. Le pourraient-elles, le service des douanes, quelque éclairé qu’il soit, peut bien apprécier le degré de blutage d’une farine, mais il sera toujours dans l’impossibilité de distinguer l’espèce du blé mis en œuvre, dans la farine qui lui sera présentée.

Quelle peut être, d’ailleurs, la préoccupation des auteurs de la proposition ? Évidemment ils cherchent à empêcher l’introduction en franchise de droit, sur le marché intérieur, de parties de blés prises en charge sous le régime de l’admission temporaire. On attribue à ce blé étranger l’abaissement des prix sur le marché intérieur ; mais qu’on se rassure, ce n’est pas l’admission temporaire qui en permettra l’introduction. Le règlement qui la régit a été arrêté après les épreuves les plus nombreuses et les plus complètes, et le soumissionnaire devra bien exporter l’entier équivalent des quantités prises en charge ou acquitter le droit sur ce qu’il n’aura pas réexpédié en temps utile. Sur ce point, le marché intérieur est sûrement préservé de toute introduction de