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REVUE LITTÉRAIRE

LA THÉORIE DU PARDON
DANS LE ROMAN CONTEMPORAIN


La Tourmente, de M. Paul Margueritte. Paris, 1893, Kolh. — L’Intrus de M. Gabriel d’Annunzio. Paris, 1893 ; Calmann Lévy.


On conteste parfois l’influence du roman sur les mœurs. On ne la conteste pas sérieusement. C’est dans les œuvres d’imagination que s’essaient à naître et que prennent forme les idées ; elles iront, par la suite, déterminant des séries de faits, modifiant les lois des peuples, inspirant la conduite des individus ; elles feront leur chemin dans la société et dans les âmes. L’histoire de ces dernières années et les spectacles d’aujourd’hui apportent à l’appui de cette vérité les preuves les plus concluantes. Le socialisme a été une utopie de romanciers avant de devenir le programme d’un parti. Il s’est incarné dans les rêveries généreuses de George Sand et dans les déclamations de Balzac ; il a reparu sous une autre forme dans les écrits de nos romanciers réalistes, tantôt nuancé de sentimentalité, tantôt haineux et violent, comme dans le Germinal de M. Zola. De telles œuvres ont beau ne pas s’adresser directement à la foule et n’être que l’un des facteurs du mouvement qui entraîne les sociétés vers de nouvelles destinées, elles contribuent pour leur part à la direction générale des esprits : elles façonnent les intelligences et préparent le courant de l’opinion. — C’est de même sous l’effort de la prédication des écrivains, sous la poussée du théâtre et du roman, qu’a cédé l’ancienne législation du