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étude nouvelle du problème de l’adultère, ce n’est pas à contredire, mais ce serait plutôt à confirmer et à compléter l’œuvre de leurs devanciers. Après que ceux-ci avaient montré la faute de la femme sans excuse, ils ajoutent qu’elle est sans pardon. Le commandant de Montaiglin, dans Monsieur Alphonse, relève par ces nobles paroles la femme qui lui a menti et qui l’a trompé : « Créature de Dieu, être vivant et pensant qui as failli, qui as souffert, qui te repens, qui aimes et qui implores, où veux-tu que je prenne le droit de te punir ? » Mais c’est qu’il ne s’agit pas ici d’un mariage véritable. Celui qui parle est un ami et un père plutôt qu’un mari.

Que fera le mari de qui la femme a failli dans sa chair ? Pour toute sorte de raisons et, si on y tient, par pitié, peut-être conservera-t-il à la femme coupable sa place au foyer. Ils vivront séparés sous le toit commun et dans l’association de leurs intérêts pareils. Ou peut-être l’amour sera-t-il le plus fort ; et le lien charnel se renouera. Et alors que vaut cette union rétablie sur les ruines de la confiance et de l’estime ? A peine est-elle tolérable à ceux qui, dépourvus de vie intérieure, se contentent du plaisir du moment. Pour les autres, pour ceux qui réfléchissent, qui analysent leurs sentimens et jusqu’à leurs sensations, cet amour qu’ils subissent, en proie au désir et à la jalousie, à la passion et au remords, est une atroce souffrance. Et il est une dégradation. Il se peut bien que ceux qui y cèdent, afin de se donner une excuse, parlent de pitié, de miséricorde et d’abnégation. En fait, toutes ces vertus n’ont ici rien à voir et il convient de les réserver pour des cas où elles s’appliquent plus justement. Mais il faut restituer son vrai nom à ce qu’on voudrait décorer du titre de « pardon ». On n’a pas le droit de transformer en un sublime effort de charité ce qui n’est que le vulgaire désir de la jouissance, — et le libertinage.


RENE DOUMIC.