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branche nouvelle de la science : lorsqu’il est entré dans l’étude des maladies du système nerveux, des travaux importans avaient été produits non seulement à l’étranger, mais même en France. Il serait injuste d’oublier Cruveilhier et Duchenne de Boulogne. Mais les connaissances acquises n’avaient pas pénétré dans l’enseignement, et elles restaient à peu près sans applications. Comme les moines du moyen âge qui, copiant les manuscrits latins, remplaçaient les citations grecques qu’ils ne comprenaient pas par cette formule naïve : Græcum est, non legitur, la plupart des médecins, même dans les hôpitaux des grandes villes, arrivant en face d’un malade atteint d’une maladie du cerveau ou de la moelle, se contentaient de dire : « C’est nerveux, » — et passaient.

Aujourd’hui le praticien le plus obscur possède des clartés sur la neuro-pathologie, et il est bien convaincu que les signes des maladies du système nerveux sont des signes aussi certains que ceux des maladies du cœur ou du poumon. C’est l’ouvrage de Charcot. Dans ce changement, les précurseurs n’ont rien perdu. Il y a vingt ans à peine, Duchenne de Boulogne, l’initiateur si fécond, parcourant nos hôpitaux à la recherche d’une découverte nouvelle, passait inaperçu et incompris, malgré les leçons de Trousseau. Aujourd’hui, le dernier externe de la dernière promotion sait que Duchenne de Boulogne est une des gloires de la médecine française. C’est que ses travaux ont été mis en lumière par Charcot. D’autres que Duchenne sont redevables au talent de vulgarisation dont Charcot n’aimait guère qu’on lui fît un mérite, mais qu’il possédait au plus haut degré.

Il lisait tout ce qui se publiait, non seulement sur les maladies du système nerveux, mais sur toutes les questions importantes en médecine, et prenait des notes sur tout ce qu’il lisait. Tout ce travail, il l’épargnait à ses auditeurs. Assez mal doué au point de vue de l’expression, il s’était créé, par la précision, la clarté des termes, la netteté de l’articulation une forme oratoire dont il tirait les meilleurs effets dans l’enseignement. Il avait le goût de la démonstration objective ; il soignait particulièrement la présentation des malades, dont il savait faire saillir les caractères particuliers : lorsqu’il faisait une leçon sur les tremblemens, par exemple, il ne manquait pas de faire orner la coiffure de ses malades de longs plumets qui excitaient tout d’abord la gaîté de l’auditoire, mais réussissaient bientôt par la diversité de leurs oscillations à faire comprendre les différences qu’il s’agissait de démontrer. La plate-forme de son amphithéâtre était toujours garnie de dessins dont il était en mesure de fournir à l’occasion les esquisses, et qui reproduisaient soit des dispositions anatomiques, soit des expériences utiles à la démonstration. Il a été un