destinées à combattre la misère, veulent que ces mesures s’inspirent d’un esprit totalement différent de celui dont la charité découle. Le principe de ces mesures doit être la solidarité, l’altruisme, grands mots qu’ils ont sans cesse à la bouche. Quant à la charité, telle que le christianisme l’a enseignée et comprise, il semble qu’elle leur soit odieuse, probablement à cause de son origine. « Il est impossible, disait, il y a quelques années, l’auteur d’un livre sur le paupérisme, M. Baron, de calculer le mal causé par la charité, que les meilleurs esprits n’hésitent pas à reconnaître et à proclamer inopportune, quand elle n’est pas funeste. » Et ce n’est pas là une opinion paradoxale et isolée, car M. Baron est un des lauréats du concours institué il y a plus de dix ans par M. Pereire pour récompenser les auteurs d’ouvrages sur l’extinction du paupérisme.
Tous les adversaires de la charité n’en parlent cependant pas avec cette dureté. S’ils n’en veulent plus, c’est qu’à leurs yeux elle se confond avec l’aumône, et l’aumône, ils la proscrivent absolument. Un jeune apôtre qui, par la générosité de son talent et l’élévation de ses idées, ne laisse pas d’exercer une certaine influence sur les générations nouvelles, M. Paul Desjardins, n’a pas consacré moins de neuf pages sur quatre-vingts d’un opuscule fort répandu à flétrir l’aumône : elle est inutile ; elle est un déplacement d’égoïsme ; elle suppose un suzerain et des serfs ; elle entretient la misère, etc. Ce qu’il faut faire vis-à-vis du malheureux, c’est redresser son idéal de vie et le lui faire aimer. Supposez par exemple que vous entriez dans la chambre d’un pauvre diable en proie à des souffrances intolérables qu’un cataplasme de laudanum ou une injection de morphine suffiraient à calmer ; votre premier mouvement serait, n’est-ce pas, de courir chez le pharmacien et, s’il refuse de faire crédit à ce misérable, de payer vous-même le cataplasme ou l’injection que vous rapporteriez ? Vous auriez tort ; ce serait vous conduire vis-à-vis de lui de suzerain à serf. Il faut prendre une chaise, vous asseoir à son chevet, et, pendant qu’il gémit à côté de vous, vous efforcer de lui faire aimer la vie en redressant son idéal. C’est là qu’est le devoir présent.
Enfin la charité rencontre encore un certain nombre d’adversaires qui, pour être les plus inattendus, sont peut-être les plus à craindre. Dans un article célèbre sur Lamennais, M. Renan a raconté le sentiment de stupeur et d’enthousiasme à la fois qui saisit une assemblée de barbares convertis par un apôtre, lorsqu’elle vit un de ses prêtres se lever et, s’armant d’une hache, frapper le premier la statue du dieu. Ainsi les coups les plus