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PERLE FAUSSE PREMIERE PARTIE I Raoul Marvège sortit de son cabinet de toilette en veston de flanelle, passa dans le petit salon, et sonna pour son chocolat. Puis s’asseyant devant une large table à écrire où attendaient quelques journaux, il s’accouda dans cette demi-rêverie matinale, ce tranquille bien-être que ne trouble encore nul souci, nul pro- jet. ’Son regard visita rapidement quelques bibelots familiers et se fixa sur un de ces almanachs des postes et télégraphes que les facteurs offrent comme étrennes à leur clientèle. Marvège prit l’almanach, parcourut la première colonne, et constata que le 24 janvier, jour de la Saint-Babylas, tombait sur le lendemain ; il murmura : — Le 24, demain! Déjà trente-trois ans! Sapristi de sapristi! comme ça file ! Après une méditation ponctuée de hochemens de tête, il se leva et roula un fauteuil vers la cheminée; puis, comme il y avait une glace au-dessus de cette cheminée, il se mit tout naturelle- ment à considérer avec attention le visage et le buste de cet homme qui allait avoir trente-trois ans et qui s’appelait Raoul Marvège. Et songeant sans doute qu’après tant d’amours, de veilles et de folies, bien d’autres n’auraient pas la chevelure aussi drue et la moustache aussi brune, il sourit, bomba sa poitrine et remua complaisamment ses bonnes épaules. Rassuré, il s’étala dans son fauteuil.