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D’après les dernières et très précieuses statistiques de l’administration des contributions directes, les maisons de Paris rapportent actuellement 7 000 francs chacune ; en province les maisons des villes de 5 000 habitans et au-dessus ne rapportent que 588 francs ; celle des villages et des bourgs de moins de 5 000 âmes sont louées 91 francs. Une construction de province ne vaut donc que le 14e d’une construction de Paris. Une construction rurale représente moins du 6e d’une habitation citadine dans les départemens ; elle équivaut à la 77e partie de la valeur d’une habitation parisienne. L’écart était infiniment moindre, au moyen âge, entre les prix de ces trois catégories de logis ; et cela se conçoit d’autant mieux que ces logis eux-mêmes ne différaient pas sensiblement les uns des autres : les maisons de Beauvais ou de Laon n’étaient pas inférieures à celles de Paris ; Laon et Beauvais contenaient, comme Paris lui-même, un fort lot de baraques qui ne dépassaient ni en dimension, ni en magnificence, les chaumières du plat pays. De là une tendance au nivellement des prix, que la hausse des terrains dans les centres favorisés a fait disparaître, en élaguant peu à peu les masures et les maisonnettes, et en leur substituant des bâtimens de plus en plus considérables.

Car si la valeur vénale des maisons de province, de 1201 à 1300, est de 1100 francs et colle des maisons de village de 185 francs, pendant que les maisons de Paris ne coûtent que 2 000 francs ; si les premières valent plus de moitié des immeubles parisiens, au lieu d’en représenter seulement le 14e comme de nos jours ; si 11 demeures paysannes balancent une demeure parisienne tandis qu’il en faut aujourd’hui 77 ; cela tient, non seulement à la fortune toujours grandissante des villes, au mouvement de la civilisation qui y fait sans cesse affluer plus de monde, mais aussi à ce que la valeur intrinsèque des édifices de la ville principale, des villes secondaires et des champs, établie sur leurs frais de construction respectifs, a beaucoup varié.

Une maison de Rouen, acquise par l’évêque d’Evreux (1135), ne lui coûtait que 122 francs ; pendant qu’à la même époque un immeuble de Nîmes, servant de buanderie, revenait à 245 francs et qu’une habitation sise à Vitry-le-François valait 857 francs. Les maisons de Soissons varient, au XIIIe siècle, de 490 francs à 6 000 ; celle d’un boucher y dépasse 3 300 francs. Les bâtisses les plus chères, à Limoges, n’excèdent pas 1 000 francs, les meilleur marché descendent à 220 francs. Telle maison coûte 1 650 francs à Montpellier, telle autre 185 francs à Montélimar et 600 francs à Beaucaire (1290). Les châteaux forts offrent de plus grandes disparités : celui de Carzia, dans le Roussillon, était vendu 124 000 francs