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LES COMÉDIENS FRANÇAIS
PENDANT
LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE

PREMIÈRE PARTIE

Un État minuscule dans l’État, une convention au petit pied, des privilèges anéantis, la liberté proclamée contre la féodalité artistique, des rivalités ardentes, un schisme, des luttes d’opinion, la comédie partagée en deux camps comme la société et les Assemblées, Talma et ses amis abandonnant leur ordre à l’exemple de Mirabeau et de la noblesse libérale, des acteurs devenant représentans du peuple, généraux, interprètes inconsciens du drame merveilleux qui va se dérouler, des haines particulières qui s’enveloppent du drapeau des grands principes, une partie des comédiens français enfermés pendant des mois dans les cachots de la Terreur, sauvés de la façon la plus romanesque (mais l’invraisemblable seul se réalisait alors et il n’y avait de possible que l’impossible), les pièces du répertoire expurgées au gré du parterre et de la Commune de Paris, les théâtres faisant le rude apprentissage d’une indépendance décrétée plutôt que conquise, la faillite, la ruine pour plusieurs, une gêne extrême pour d’autres, les périls de la concurrence pour tous, la guerre, la peur, l’émigration ou la mort des riches se combinant pour paralyser le crédit, restreindre les dépenses de luxe aux années du mauvais papier et de la grande épouvante, réduire à la portion congrue ces chanoines du tripot comique habitués aux grasses prébendes de l’ancien régime, — l’histoire du monde théâtral présente un résumé assez exact de l’aventure extraordinaire que courut le peuple français depuis la