Petit-Vanhove ; elle-même avait divorcé en 1794, mais, soit générosité, soit toute autre cause, elle ne permettait pas qu’il brisât les derniers liens avec Julie. Un accident trancha la difficulté, amena ce que la passion de Talma, l’affection de la jeune actrice, n’avaient pu décider. Comme elle jouait un rôle d’héroïne dans une pièce de Collot d’Herbois, l’acteur qui l’enlevait au moment suprême fit un faux pas et tomba si rudement dans la coulisse, qu’une grosse épingle entra fort avant dans la poitrine de celle qu’il écrasait de son corps. Médecins, chirurgiens s’empressent, prononcent que la plaie ne saigne pas assez. « Il faut la sucer, dit l’un d’eux, c’est le seul moyen d’écarter le danger. Talma, vous n’y répugnerez point, je pense ? Il faut la sauver. » Talma rougissant obéit, et, le 16 juin 1802, le premier tragédien français conduisait devant l’officier de l’état civil une des meilleures actrices de la Comédie.
Les deux théâtres français poursuivaient leur carrière avec des fortunes diverses. Le théâtre de la République (ci-devant théâtre de la rue Richelieu) l’emporte pour la tragédie, l’exactitude des costumes, du mobilier dramatique ; le théâtre de la Nation (ci-devant théâtre du faubourg Saint-Germain) conserve une supériorité éclatante dans la comédie. Telle autrefois la rivalité du cothurne entre l’Hôtel de Bourgogne et la troupe de Molière. Celui-ci tient pour les anciennes idées, l’autre donne Brutus, la Mort de César, Guillaume Tell, Caïus Gracchus, le Despotisme renversé, et le spectacle ne se termine guère sans qu’un spectateur entonne une chanson patriotique que répète en refrain le public. Cependant il faut faire quelques concessions, se mettre à la mode, et les artistes du théâtre de la Nation prennent part, le 11 juillet 1791, à la translation des cendres de Voltaire au Panthéon : façade du théâtre décorée de guirlandes de fleurs naturelles, riches draperies cachant les entrées, trente-deux cartels sur les colonnes, au frontispice cette inscription : « Il fit Irène à 83 ans ! » Au passage du cortège, la draperie s’ouvre, et sa statue apparaît, éclatante de lumière, la tête ceinte d’une couronne civique. Tandis qu’acteurs et auteurs défilent, précédés d’une bannière où on lit ces mots : « Famille de Voltaire », d’autres s’avancent qui représentent ses ouvrages, et déposent leur offrande ; Brutus apporte un faisceau de lauriers, Orosmane les parfums de l’Arabie, Nanine un bouquet de roses…
Le 26 septembre, trois mois après Varennes, la reine, ses