le coup d’État populaire, en accoutumant les esprits à les accepter. « Les théâtres, conclut Barère à propos de l’arrestation des comédiens, sont les écoles primaires des hommes éclairés et un supplément à l’éducation publique. » Un membre des Jacobins demande qu’on institue dans toutes les grandes communes de la République des spectacles à l’instar des Grecs ; un représentant du peuple veut que la profession d’acteur soit un sacerdoce de morale, et, le 16 messidor, an II, Lecarpentier autorise la municipalité de Coutances à installer dans le temple de l’être suprême un théâtre où les patriotes des deux sexes joueront des pièces destinées à propager la vertu républicaine. Voltaire avait mis la philosophie sur la scène, on y met la politique : nouveau motif pour les comédiens français de chercher à satisfaire les puissans, à retenir le public qui perd le goût des vrais chefs-d’œuvre, réclame une nourriture plus rude et retourne à l’instinct. Ils joueront les Victimes cloîtrées, les pièces nouvelles montreront des rois, des nobles, des prêtres, des nonnes, et chaque acteur devra avoir dans sa garde-robe : chasuble, surplis, surtout et cordon de Saint-François. Mais des ouvrages comme le Philinte de Molière, le Vieux Célibataire ne faisaient pas d’argent, la banqueroute menaçait l’Opéra, les Italiens, et, ne sachant où donner de la tête, le théâtre de la Nation s’associa à la Comédie-Italienne ; on annonça Athalie avec les chœurs de Gossec, le tout agrémenté d’un certain Couronnement de Joas où les comédiens français donnaient la main à des comédiens italiens, Molé à Clairval, Dazincourt à Trial, espèce de lanterne magique où se succédaient des scènes de Zémire et Azor, du Séducteur, la procession du Malade imaginaire se déroulant aussi dans le temple du Seigneur, à la grande joie du parterre enchanté de cette mascarade.
Presque supprimée en fait depuis 1789, à peu près abolie en droit par le décret du 13 janvier 1791, la censure est rétablie par le décret du 2 août 1793 qui ordonne la fermeture des théâtres et l’arrestation des directeurs coupables de jouer des pièces inciviques ; puis le Conseil général de la Commune leur fait la loi, et enfin, le 21 mai 1794, la Convention ressaisit la censure qu’elle attribue à son comité d’instruction publique. Celui-ci prend fort au sérieux ses pouvoirs, morigène directeurs, auteurs, contient le zèle des ultra-révolutionnaires, et, par exemple, interdit le Tombeau des imposteurs qui, au gré de Robespierre, dépasse la mesure, car les Hébertistes ne lui plaisent pas plus à la scène qu’à la Convention. Observateurs de l’esprit public, police de la