d’applaudissemens à côté. Mais les jacobins ayant crié haro contre cette comédie qui, d’après eux, tendait à faire regretter les privilèges de la noblesse, un ordre du Comité de Salut public suspendit les représentations (29 août). On conseilla à l’auteur de supprimer certains passages, il obéit, fit Paméla roturière (elle était d’abord noble), et le Comité ayant accordé sa signature, la pièce fut annoncée pour le 2 septembre ; la Comédie avait reçu l’ordre de faire mettre au bas de son affiche : « Conformément aux ordres de la municipalité, le public est prévenu que l’on entre sans armes, bâtons, épées, et sans aucune espèces d’armes offensives. » Et ceci sonnait comme un billet de faire part aux tapageurs qui traduisirent : Il y aura, il faut qu’il y ait du scandale. Cependant ils disparaissaient au milieu d’une brillante assemblée. Mlle Lange, plus que jamais appétissante à aimer, jouait Paméla avec infiniment de grâce, Fleury dans le rôle de milord Bonfils faisait merveille ; mais au quatrième acte, lorsque arriva la scène de Molé Andrews, et cet éloge de la tolérance religieuse :
- L’erreur avait fondé la puissance du prêtre ;
- Mais sur l’homme crédule un empire usurpé
- Doit cesser aussitôt que l’homme est détrompé…
- Chacun prie à son gré, les amis, les parens
- Suivent sans disputer des cultes différens
- Eh ! qu’importe qu’on soit protestant ou papiste ?
- Ce n’est pas dans les mots que la vertu consiste.
- Pour la morale au fond votre culte est le mien.
- Cette morale est tout et le dogme n’est rien.
- Ah ! les persécuteurs sont les seuls condamnables,
- Et les plus tolérans sont les plus raisonnables.
- Tous les honnêtes gens sont d’accord là-dessus…
Un spectateur du balcon se lève, et s’adressant à Fleury : « C’est insupportable, vous répétez des vers qu’on a retranchés et qui sont défendus. — Non, riposte Fleury, je joue mon rôle comme il a été approuvé par le Comité de Salut public, » puis saluant les spectateurs : « Faut-il continuer, messieurs ? Faut-il faire cesser le spectacle ? — La pièce ! la pièce ! dehors l’interrupteur ! s’écrient mille personnes. — Vous voulez donner raison aux modérés ! vocifère celui-ci. La pièce est contre-révolutionnaire ! » Le public s’indigne, va lui faire un mauvais parti, il s’éclipse, va droit aux Jacobins, dénonce le théâtre de la Nation, ce repaire d’aristocrates, tandis que la représentation de Paméla
[1]
- ↑ Sa coquette coiffure mit à la mode les chapeaux dits à la Paméla. — Paméla, comédie en cinq actes et en vers, tirée de la Paméla nubile de Goldoni, imitée elle-même du roman de Richardson, de Boissy et La Chaussée. Au sujet de la Paméla de La Chaussée qui n’eut qu’une représentation, quelqu’un demanda à la porte du théâtre : « Comment va Paméla ? » Un mauvais plaisant répondit : « Elle pâme, hélas ! »