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En observant la réflexion de la plaque fixée et séchée par le procédé que nous venons d’indiquer, on y constatera la reproduction directe de toutes les couleurs que l’on a présentées devant elle.

Le temps de pose joue un rôle important dans l’exécution pratique de l’expérience.

Les débuts en furent assez laborieux. Il s’agissait, tout d’abord, de photographier un spectre dans lequel la couleur rouge était extrêmement gênante. L’activité chimique des rayons de cette couleur est très lente. Ils impressionnent les plaques assez faiblement pour permettre aux photographes de se servir, sans danger, de lumière rouge pendant le développement de leurs glaces au gélatino-bromure d’argent. Pour peu qu’on se soit occupé de photographie, on sait que les objets rouges se reproduisent en noir sur les positifs, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas impressionné les plaques négatives, malgré toute leur sensibilité.

Si le rouge se manifeste très lentement sur la plaque sensible, le bleu et le violet agissent sur elle avec une grande activité et polariseraient complètement la plaque, si on les laissait poser pendant tout le temps nécessaire à l’impression du rouge. Il fallut donc trouver le moyen de laisser poser le rouge seul pendant longtemps, puis le vert également seul pendant un temps moins long, puis enfin le bleu et le violet pendant un temps très court.

On s’imagine sans peine le trouble que ces difficultés, toutes matérielles, ont créé à l’origine des premières expériences. A la vérité, elles étaient susceptibles de barrer le chemin à toute tentative nouvelle dans l’art de photographier pratiquement les couleurs. Comment allait-on procéder pour photographier un être humain, ou un paysage ? On ne pouvait pas songer à faire poser quelqu’un devant l’objectif autant de fois qu’il y avait de couleurs à reproduire. En outre il eût fallu remettre cette personne à la même place, lui faire reprendre les mêmes altitudes, ce qui aurait rendu ainsi absolument impossible la reproduction fidèle de son image. C’est à ce moment que l’appui du praticien devenait nécessaire.

M. Attout-Tailfer découvrit qu’en plongeant une plaque ordinaire dans de la cyanine, sa sensibilité augmentait pour le rouge et diminuait pour le violet, de telle sorte que, par des tâtonnemens successifs, on arriva à égaliser la sensibilité de la plaque pour les différentes régions du spectre et, par conséquent, pour les différentes couleurs simples ou complexes. C’est ce qu’on appelle l’iso-chromatisme.

Grâce à tous ces perfectionnemens, M. Lippmann est arrivé à