française, alors que tant de restes de rébellion, sous le nom de franchises, palpitaient encore ! Transportés par l’historien au cœur de l’ancien régime, ne serons-nous pas mieux postés pour le comprendre qu’en le considérant, pour ainsi dire, en arrière, et du haut des principes de la dévolution ? Tant mieux si, changeant de perspective et devenus concitoyens du XVIIe siècle, nous voyons à notre tour cette dévolution diminuer dans le lointain, jusqu’à prendre les proportions d’un événement ordinaire, au cours d’une existence nationale qui en a vu bien d’autres.
Mais, dites-vous, le cardinal n’est ici qu’un prétexte. Sous la robe rouge et la barrette, le philosophe montre le bout de l’oreille et le système nous guette. Tel Michelet lorsque, au début de son chapitre sur Richelieu, il commence par se planter devant le tableau de Philippe de Champagne et en déduit immédiatement l’œuvre, l’homme, l’époque. — Ne craignez rien ici de semblable. Le cardinal de M. Hanotaux, qui, du reste, n’est encore qu’évêque dans le premier volume, est vivant, bien vivant. Nous connaissons sa province, son château, sa famille, et le mélange exact d’honnêtes gens et de coupe-jarrets qu’il fallait alors pour produire un grand ambitieux. Le personnage lui-même s’anime et descend de son cadre. Ce n’est plus cette figure grave, d’une attitude presque hiératique, objet d’admiration et de crainte. C’est un écolier fougueux au collège de Navarre, un cavalier fringant à l’Académie, plus tard un courtisan avisé, puis un évêque fort jeune et fort appliqué, qui écrit de gros traités de théologie comme s’il ne devait faire autre chose de sa vie. Le voici enfin aux États-Généraux de 1614, « la main en avant, allongée et très fine, jeune, prompt, fébrile… » Alors seulement, lorsque Armand du Plessis, dans sa rapide ascension, atteint les premiers sommets d’où l’on découvre l’ensemble des affaires, l’auteur fait halte et jette un coup d’œil sur l’immense horizon de l’histoire où son héros va marquer sa place. Je ne dirai pas qu’il voit le monde avec les mêmes yeux : le regard d’un contemporain ne porte pas si loin. Peut-être même tant d’information est-il incompatible avec la grande activité. Si Richelieu avait été aussi ferré sur l’histoire qu’il était fort en théologie, il n’eût peut-être pas plus réformé l’État qu’il n’a changé le dogme. Mais l’historien ne fait qu’user de son droit en élargissant la perspective.
D’emblée, nous nous sentons sur un terrain solide. L’auteur, avant de parler des institutions, nous trace un portrait physique de la France en 1614. C’est une idée fort simple, mais que peu d’écrivains philosophes ont eue avant lui, car la plupart se tiennent dans les généralités. Rien de plus sain et de plus net que cet exposé. On la voit « cette France plus petite et aussi plus rude…