insensible et déjà assez rapide à cette omnipotence d’une Convention nationale qui a laissé dans notre histoire de si fâcheux souvenirs. Ne semble-t-il pas même à certains jours que nous y soyons arrivés ? Quand on voit, par exemple, la commission du budget taisant entre ses diverses sections le partage des ministères pour y opérer une descente, ne reconnaît-on pas les allures usurpatrices des comités de la fameuse assemblée ? C’est en vain qu’on a essayé d’implanter des greffes monarchiques sur une tige républicaine, la sève naturelle a prévalu et la nature des fruits n’a pas changé. Ils n’étaient donc pas tombés dans l’erreur d’esprits arriérés et rétrogrades, ils ne cédaient donc pas à des préjugés surannés, ces maîtres de la science politique et de la pensée libérale qui nous ont enseigné que, mise aux prises avec la condition sociale dont les siècles ont doté la France, toute constitution républicaine inclinerait à peu près fatalement vers l’une ou l’autre des deux extrémités révolutionnaires. Ils ne se trompaient pas en nous disant : Quand une grande nation a des traditions à suivre, l’héritage d’un glorieux passé à recueillir, une organisation formée par la monarchie et gardant son empreinte, une centralisation administrative qui veut être maniée par un bras vigoureux, mais qui peut devenir un instrument de tyrannie, une telle nation n’est pas libre de se priver impunément d’un pouvoir fixe et durable, élevé au-dessus des mouvemens de l’opinion comme de l’action du temps, propre à servir tour à tour de point d’appui et de frein à l’autorité et à la liberté. Le problème final et suprême de la République posé pour eux en ces termes irréductibles : dictature ou anarchie, n’a pas encore reçu la solution qu’ils avaient vainement cherchée ; l’expérience tend au contraire chaque fois à confirmer leurs prévisions. Seront-elles vérifiées jusqu’au bout ? La République trouvera-t-elle dans les conseils de modération et de prudence qu’on lui donne, et qu’elle paraît disposée à suivre, la force de s’arrêter sur cette pente ? J’ai quelque peine à le croire, mais l’avenir seul le dira. En attendant que l’épreuve soit faite, ceux qui dans leur jeunesse oui écoulé les leçons de la sagesse de leurs devanciers sont excusables d’y rester fidèles.
DUC DE BROGLIE.