présenter comme probable, puis comme prochain, et nos journaux répètent à leur tour : Pourquoi pas ? C’est ne tenir aucun compte de l’esprit ultra-protectionniste de notre Chambre des députés. Quand même il le voudrait, le gouvernement n’aurait aucun moyen d’obtenir aujourd’hui de la Chambre le moindre abaissement de tarif : il se briserait contre cette barrière très inutilement. Nous ne jugeons pas cette situation, nous la constatons. Il n’est pas douteux que, sur plus d’un point, la Chambre a poussé l’esprit protectionniste beaucoup trop loin, et qu’elle a méconnu notre propre intérêt ; mais ses sentimens ne sont pas changés. M. Méline est là, qui veille. Le roi Humbert, qui a parlé de lui, ne connaît ni son obstination laborieuse, ni son influence sur la majorité de ses collègues. C’est une erreur de croire que la politique douanière de la France soit à la veille de se modifier, et si c’est sur un fondement aussi frêle que l’on veut faire reposer un accord d’un genre quelconque entre l’Italie et nous, on marche tout droit à une déception. Ne vaut-il pas mieux le dire très franchement ?
Pour être franc jusqu’au bout, l’opinion en France ne s’explique pas très bien ce qui se passe en ce moment en Italie. Ce n’est pas l’entrevue du roi Humbert et de l’empereur Guillaume à Venise qui est de nature à l’émouvoir. On nous répète que l’empereur Guillaume aime à voyager, et il a donné effectivement des preuves nombreuses de cette inclination. L’impératrice est à Abbazia, en Autriche : n’est-il pas naturel qu’il ville l’y voir, et que, en même temps, il désire rencontrer l’empereur François-Joseph ? L’empereur François-Joseph est donc allé à Abbazia, en passant par le cap Martin, ce dont il faut lui savoir gré. Abbazia est presque en face de Venise : il n’y a que la mer Adriatique à traverser. Comment l’empereur Guillaume aurait-il pu résister au désir de revoir une ville où le rappellent de beaux souvenirs de jeunesse ? Il est donc allé à Venise, et n’est-il pas tout simple qu’il ait désiré y rencontrer le roi Humbert ? Le roi Humbert a donné aussitôt une audience bruyante à un journaliste français, après quoi, il est parti pour Venise. De sorte qu’en quelques jours l’empereur Guillaume a eu le plaisir de voir ses deux alliés et de causer intimement avec eux. S’il n’a pas pu les réunir, soit à Abbazia, soit à Venise, c’est que, comme personne ne l’ignore, depuis une visite qui n’a pas été rendue et qui ne le sera sans doute jamais, le roi d’Italie ne peut plus décemment remettre les pieds en Autriche, et que l’empereur d’Autriche a fait vœu de ne pas mettre les siens en Italie. Ce petit malentendu n’empêche pas la bonne amitié.
Tout cela n’a rien qui nous inquiète, et il ne faut pas exagérer l’importance de ces entrevues souveraines, bien qu’il ne faille pas non plus, par un excès contraire, s’imaginer qu’elles n’en aient absolument aucune. Mais ce qui frappe l’attention chez nous, c’est la lutte engagée à Rome entre le gouvernement et deux commissions de la Chambre, dont l’une