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les alliés seront loin ou auront trouvé de bonnes positions pour le recevoir; c’est peut-être la route de Paris qui s’ouvre ; et Guillaume presse M. de Souches, cherche à le flatter, à secouer sa torpeur.

M. le Prince est convaincu que les ennemis vont marcher ; en descendant de cheval dans l’après-midi du 10, il a pris ses mesures. Oui, les débouchés du camp sont assez mal commodes, surtout vers le nord : des ravins, des fondrières, des bois, enfin le ruisseau, qu’il faut traverser par les gués et passerelles; il y a là une cause d’encombrement, de retards funestes. Afin d’y remédier et d’avoir sous la main un corps à jeter sur le flanc de l’ennemi, soit qu’il attaque, soit qu’il marche, de jour ou de nuit, M. le Prince porte immédiatement, le soir même du 10, au delà du Piéton environ trois mille cinq cents hommes et quinze cents chevaux, avec six pièces légères[1], qui passent la nuit masqués dans un fond, à quelques centaines de mètres au nord des retranchemens. Dans le camp même, près des débouchés, sont également massés trois mille cavaliers d’élite. Gardes du corps. Cuirassiers, Gendarmes, quinze cents dragons (Colonel-Général), les premiers du monde, et quatre bataillons (Navarre, Royal-Italien), qui pourront, au premier signal, se porter où besoin sera.

Avec ses chevau-légers, Saint-Clas fouille le pays entre le Piéton et la Samme, lançant quelques cavaliers au delà de cette rivière pour garder le contact avec l’ennemi sans éveiller l’attention. Au milieu de la nuit, ces éclaireurs repassent la Samme et rejoignent la grand’garde: l’ennemi marche! Bientôt un bruit sinistre, qui grossit et se rapproche, confirme le rapport des éclaireurs et dénonce le passage d’une grande armée qui chemine : tumulte d’hommes et de chevaux, sorte de tonnerre non interrompu, grondement du sol ébranlé par les longues files de voitures, lourds affûts, pesans chariots chargés d’artillerie, de pontons, de bagages.


II. — NUIT DU 10 AU 11. LES ALLIÉS EN MARCHE.

Aussitôt averti, M. le Prince passe le Piéton avant le jour; son fils, ses lieutenans généraux, Luxembourg, Navailles, Fourilles, Rochefort, quelques autres encore, Montal, Choiseul, l’accompagnent. Les troupes sorties le soir, celles qui ont été désignées un peu plus tard, vont le suivre. Les autres se formeront en silence, prêtes à marcher au premier ordre, conduites par les maréchaux de camp.

  1. Deux régimens d’infanterie, la Reine et La Fère, un bataillon des Fusiliers du Roi servant et gardant l’artillerie, brigade Tilladet (cavalerie).