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SUR L’ALEXANDRINISME

M. Georges Lafaye : Catulle et ses modèles. — M. Auguste Couat : Essai sur Catulle. — Le même : La Poésie alexandrine sous les trois premiers Ptolémées. — M. Franz Susemihl : Geschichte der Griechischen Litteratur in der Alexandrinerzeit.

M. Georges Lafaye, par son excellent livre sur Catulle et ses modèles — si précis, si bien informé et d’un tact littéraire si juste et si prudent — a ramené l’attention sur cette question de l’alexandrinisme, qui, pour être purement littéraire, n’en est pas moins intéressante à tous ceux qui pensent, avec quelque raison, que les études littéraires sont des enquêtes psychologiques, et qu’un état d’esprit littéraire révèle une tournure de caractère et un ensemble de penchans, d’inclinations morales.

Non point du tout que nous soyons sur le point de tomber dans le lieu commun trop complaisamment accepté naguère qui assurait que « la littérature est l’expression de la société », sorte de préjugé qui a fait son temps, ce qui ne serait pas une suffisante raison de le rejeter, mais qui, surtout, à un peu de vérité, mêle une part si considérable d’hypothèse qu’il doit être laissé à l’écart avec un soin extrême. Non, quoiqu’il soit bien certain que la littérature n’est pas, ne peut pas être séparée de la « société », c’est-à-dire du monde où elle vit, par un abîme naturel ou artificiellement creusé, il est bien vrai aussi et plus vrai encore qu’elle vit surtout de sa propre vie, comme aussi bien la philosophie, comme aussi bien, sinon la morale dans l’acception générale de ce mot, du moins l’éthique, comme aussi bien l’art, comme aussi bien tous les grands rêves de beauté ou de vérité que l’on dit que l’humanité poursuit éternellement, quand on devrait dire qu’au sein de l’humanité une petite élite poursuit et partiellement réalise chacune le sien.

La littérature, pour nous en tenir à celle-ci, est un petit monde