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La Russie, sous le sage gouvernement de son souverain, arbitre suprême de la paix, a relevé son crédit avec le concours de la France. Elle a placé chez nous des titres de sa dette pour un capital de plus de cinq milliards, et elle amasse une énorme quantité d’or, à l’instar de la Banque de France. La grande préoccupation des ministres du tsar est d’assurer l’écoulement des blés et du pétrole de l’empire, de maintenir l’équilibre dans le budget, et d’empêcher le change de se relever trop vite, l’agriculture russe ayant un intérêt manifeste à la dépréciation, au moins au taux actuel, du rouble-crédit.

L’Italie est dans une effroyable crise politique et financière. Toutes les fictions de ses budgets passés se sont évanouies; le scandale des banques a suivi le krach immobilier; le nœud de l’imbroglio italien est bien plus dans le programme d’impôts nouveaux de M. Sonnino que dans la demande de pleins pouvoirs pour M. Crispi. L’Italie a rompu ses conventions commerciales avec nous, mais elle fait toujours partie, à côté de la France, de l’Union latine, et vient, à ce titre, de conclure une convention monétaire pour le rapatriement de ses monnaies divisionnaires qui en douze années avaient toutes pris le chemin de l’étranger.

L’Espagne a eu récemment l’incident de Melilla, mais déjà il est résolu, tandis que le problème du déficit, posé depuis une dizaine d’années, attend toujours sa solution. Les questions importantes en ce pays sont, maintenant, les griefs des compagnies de chemins de fer et la préparation d’un grand emprunt de 750 millions de pesetas.

La Grèce a eu des ambitions excessives. L’idée hellénique, — ici, au moins, il y avait une idée, et non plus seulement un intérêt, — lui a valu la Thessalie, mais l’a condamnée au régime du papier-monnaie et finalement lui inflige l’humiliation de la banqueroute. Tricoupis a été appelé par la royauté comme un sauveur; tel Crispi, en Italie, mandé par le roi Humbert. A Athènes comme à Rome, le souci présent, l’affaire urgente, c’est le mal financier, la souffrance économique.

Les Portugais ont passé avec désinvolture du système de l’emprunt à jet continu à la banqueroute ; dans l’affaire de la Compagnie royale des chemins de fer, ils ont aggravé par leur déloyauté le fait matériel de la suspension de paiemens. Les obligataires ont crié, et notre ministre des affaires étrangères a rappelé de Lisbonne le représentant de la France. Les faits économiques ont amené les mesures diplomatiques. Le Portugal a compris.

A l’autre extrémité de l’Europe, la Turquie, le vieil empire des Osmanlis, devient méconnaissable. A l’inertie d’antan, au