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Il n’en a pas le temps ; soudain il se trouve menacé, presque enveloppé de tous côtés.

Il est dix heures. Les dragons Colonel-Général débouchent au galop, par petits groupes, des gorges et des bosquets qui bordent la Samme, délogent à coups de carabine les dragons ennemis qui essaient de défendre le pont, se jettent à bas de leurs chevaux, démolissent rapidement un embryon de barricade, se saisissent des premières maisons de l’autre rive, ouvrent le passage à la brigade Tilladet. Nos cavaliers franchissent le pont, nettoient les jardins, culbutent tous les détachemens qu’ils y rencontrent, et vont se rallier au nord-est de Seneffe, couvrant le débouché d’un second pont qui se trouve en aval et que vont franchir les escadrons de la Maison du Roi. L’infanterie hollandaise est rejetée dans les grosses maisons du bourg, essaie de s’y retrancher.

Déjà les Fusiliers du Roi ont passé la Samme et pris à gauche pour mettre leurs six pièces en batterie, couverts par un petit ruisseau qui coule dans un fond marécageux, parallèlement à la Samme, et qui ne permet aucun mouvement tournant au sud de Seneffe. C’est l’artillerie légère qui apparaît avec son allure leste. Les projectiles de petit calibre ne font guère d’effet sur les grosses murailles; mais ils incommodent les défenseurs, balaient les ruelles. Quelques boulets vont plus loin, atteignent la cavalerie de bataille du prince de Vaudemont, qui se forme à quelque distance à l’ouest du village.

Sous la protection de cette canonnade, de la mousqueterie des dragons et des évolutions de la brigade Tilladet, Montal forme son infanterie, qui a rapidement franchi le pont de Seneffe. Ses trois premiers bataillons sont disposés en éventail ; il commence aussitôt l’attaque et la conduit avec sa fougue ordinaire, embrassant tout le bourg, chassant devant lui les défenseurs et les poussant vers le centre, où ceux-ci s’enferment dans l’église. À ce point la résistance fut plus vive, mais bientôt terminée par l’entrée en ligne des deux bataillons de réserve. Tout le village est emporté. Pas un des fantassins hollandais n’échappe; tous tués ou prisonniers. Leur commandant, un cousin du stathouder, le jeune prince Maurice de Nassau, est blessé et pris en combattant vaillamment. Les pertes des Français étaient faibles; elles eussent été insignifiantes si Montal avait eu la patience de laisser faire l’artillerie; mais cet ardent soldat avait les défauts, les nobles défauts de ses qualités, et s’était un peu hâté. Il porta la peine de sa chaleur et dut se retirer, la jambe cassée d’un coup de feu.

Ce combat d’infanterie n’était pas terminé lorsque la Maison du Roi, profitant du pont qui traversait la Samme un peu en aval