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recommandait de ne pas en tenir compte et d’établir la comptabilité des fabriques comme par le passé.

M. Coullié est un prélat modéré. Il est un de ceux qui se sont conformés sans aucune résistance aux instructions du Saint-Siège, et son action personnelle, à Lyon, s’est toujours exercée dans le sens de l’union et de la paix. Il y jouit d’une grande considération personnelle, et les partis politiques eux-mêmes ont désarmé vis-à-vis de lui. Sa lettre n’en est pas moins incorrecte. Sans doute, il ne l’a pas écrite dans une pensée agressive ; les termes mêmes en font foi. Il n’a pas voulu faire acte d’opposition, ni de protestation ; il a pris seulement un peu trop vite ses espérances pour des réalités acquises. Il a été surtout imprudent. D’autres aiment à casser les vitres avec fracas : ce n’est pas son genre. Si les foudres administratives avaient atteint tel autre prélat qu’il est inutile de nommer, les uns auraient approuvé, les autres désapprouvé, personne n’aurait été surpris. Ici, on l’a été; mais on l’a été d’abord de la lettre de M. Coullié, lorsqu’elle est arrivée à une publicité pour laquelle elle n’était point faite. Le gouvernement a sévi. Il a sans doute été le premier à regretter la nécessité où on l’avait placé. Il n’avait rien fait pour la provoquer; loin de là! Elle est provenue plutôt de ce qu’on savait de ses intentions conciliantes. Mais à un fait accompli il a cru devoir en opposer un autre. Il a renvoyé comme d’abus au Conseil d’État la lettre de M. Coullié, et il a suspendu le traitement du prélat. C’est trop de moitié, et de ces deux mesures la première aurait suffi. Si la lettre épiscopale constituait un abus, il fallait la déférer au tribunal compétent. On aurait vu ensuite, suivant l’attitude qu’il aurait prise, quelle attitude on devait prendre aussi à l’égard de M. Coullié. Sa modération antérieure permet de croire qu’elle aurait été ce qu’elle devait être : la lettre aurait été retirée et l’incident terminé. Au lieu de cela, on a supprimé tout de suite et comme ab irato le traitement de l’archevêque de Lyon. C’est une mesure d’autant plus grave que, si elle a des précédens assez nombreux, surtout dans ces derniers temps, elle n’est autorisée par aucune loi. Le traitement des archevêques et des curés ne leur est pas servi en vertu d’une bienveillance facultative, mais d’une obligation d’autant plus étroite qu’elle ne résulte pas seulement d’une loi intérieure, mais encore d’une convention diplomatique. On dit, à la vérité, que, dans le cas où un évêque manquerait le premier à ses engagemens, son inamovibilité ne laisserait aucun recours contre lui ; mais, si on le regarde comme un fonctionnaire, il n’est pas le seul qui soit inamovible, et jamais gouvernement ne s’est cru permis de suspendre, par exemple, le traitement d’un magistrat dont il serait mécontent. Au reste, ce n’est pas dans les limites d’une simple chronique que nous pourrions traiter cette question avec tous les développemens qu’elle comporte ; nous ne parlons ici que de l’impression générale produite par l’incident de Lyon.