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En fait, le plan de la campagne fut arrêté, le détail réglé par le Roi sur la proposition de Louvois. Le personnel était nombreux : toute la cour; quatre lieutenans généraux, La Feuillade, Luxembourg, du Lude, Rochefort; neuf maréchaux de camp[1] ; 48 bataillons en sept brigades ; 25 escadrons de gendarmes, gardes du corps, mousquetaires ; 100 escadrons de cavalerie légère et 15 de dragons. L’équipage d’artillerie comprenait six pièces de 24, six de 12, neuf de 8, neuf de 4, trente bouches à feu[2].

Le 14 mai, M. le Prince, accompagné de son fils, rejoignait Louis XIV au Catelet. Les dernières troupes étant arrivées au Cateau-Cambrésis, la frontière fut franchie le 18; et, le 23, la parole animée de Condé faisait revivre sur place, aux yeux du souverain ému, les épisodes de la journée du 11 août précédent. Le Roi voulut voir la formidable position de Fayt, la ravine qui arrêta les Suisses, la houblonnière où tomba Fourilles, et ce bourg de Seneffe où Condé avait pris huit mille hommes d’un coup de filet.

Le théâtre d’opérations choisi par le Roi était la vallée de la Meuse. Déjà le gouverneur de Maestricht avait, par un habile mélange d’adresse et d’audace, heureusement préparé le terrain. Cette citadelle de Liège, que les chanoines avaient si souvent tenté d’ouvrir aux Impériaux, venait de recevoir une garnison française; un beau matin (1er avril), les Liégeois surpris furent réveillés par le bruit des tambours battant à la française. L’émotion, vive d’abord, fut assez vite calmée et la situation facilement acceptée. Au point de vue stratégique, Liège est maintenant dans les mains de d’Estrades ; l’ennemi ne pourra plus essayer d’y passer la Meuse. C’était un premier pas.

Tandis que l’armée royale se rassemblait près du Cateau, le corps volant de Créqui s’éloignait de la Moselle et de la Sarre pour se rapprocher de la Meuse. Le 29 mai, le maréchal reprenait Dinant, perdue l’année précédente, et marchait aussitôt vers le nord-est pour contenir les Lorrains et les Lunebourg, qu’on s’attendait toujours à voir déboucher de Coblentz. Derrière lui, Rochefort, détaché par le Roi, complétait cet ensemble d’opérations par la prise de Huy (9 juin), et Louis XIV, avec sa grande armée, ses capitaines, ses courtisans, s’avançant majestueusement par la route bien connue de Thiméon, Gembloux, Freeren, s’arrêtait le 1er juin à Visé sur la Meuse, à mi-chemin entre Liège et Maestricht.

  1. Nous ne comptons pas les brigadiers, majors de brigade, aides de camp, etc., un très gros état-major.
  2. Aux ordres du lieutenant-commandant Claude Barbier, sieur du Metz. L’attelage des pièces de 12, de 8 et de 4, se composait de 1 044 chevaux, sans compter les charrettes, l’équipage de siège et de pont, etc.