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groupes de colonnes de force très inégale. À droite, au nord-ouest du Prieuré, au milieu des bois, des vergers et des houblonnières, au delà du chemin dit de Bruxelles[1], M. de Luxembourg conduit les troupes qui avaient enlevé le bagage des Hollandais et dissipé l’escorte. Sur le « chemin royal » et le long de ce chemin, plusieurs colonnes, quittant le Prieuré, s’avancent vers Fayt. M. le Prince fit son déploiement en marchant. Il veut pousser l’ennemi sans lui laisser le temps de souffler, sans attendre ce complément d’infanterie qui ne peut arriver avant le soir. S’arrêter? Il eût dû reculer, et alors il avait sur les bras son adversaire et ses troupes fraîches.

Pendant que Luxembourg presse son mouvement tournant, Condé enveloppe le village avec presque toute son infanterie formée sur deux lignes. L’engagement fut long et très chaud. La seconde ligne tout entière remplit les intervalles de la première. À droite, les trois bataillons des Gardes françaises, soutenus par les Gardes suisses, avancent dans un ordre admirable. Vigoureusement et habilement conduit par le brigadier Rubentel, ce « superbe »[2] régiment gagne assez de terrain au prix de pertes cruelles : sept capitaines, nombre d’officiers et de soldats étaient sur le carreau[3]. Les Gardes prennent position, formant un crochet défensif. Déployés des deux côtés de la route, les régimens du Roi, Royal des Vaisseaux, de Navarre et de la Reine, soutenus par les « petits Suisses » (Stoppa, Erlach, Pfiffer, Salis), s’établissent dans les vergers et les premières maisons; mais, foudroyés par l’artillerie et la mousqueterie, ils ne purent atteindre l’église. Anguien, Condé, Conti et Auvergne s’étendent vers la gauche; le duc de Navailles a le commandement de ce côté.

L’attaque de front ne pouvait réussir que secondée par le mouvement tournant. C’est ce que tentait M. de Luxembourg avec l’aile droite. Il fit commencer l’opération par les Gardes du corps, nettoya les abords du bois d’Haine, puis, rabattant à gauche, rejoignit son gros (régiment de Picardie, Dragons, Cuirassiers du Roi), et attaqua les troupes qui cherchaient à prolonger vers l’ouest la ligne de bataille des ennemis. Lui-même, se jetant à la tête de Picardie, fait un véritable trou dans les masses qui veulent l’envelopper; sa cavalerie s’y élance, charge, culbute plusieurs bataillons et s’empare du canon. Le château de l’Escaille a été enlevé, les bois, la haie de Rœulx traversés, la ravine franchie.

  1. Qui, venant de Binche ou Mons, conduit par Fayt à Braine-le-Comte et à Bruxelles.
  2. Ainsi noté par M. le Prince dans sa revue du 12 mai.
  3. Dans cette journée du 11 août, le régiment des Gardes françaises eut cinq cent quarante-huit homme» hors de combat, dont quarante et un officiers.