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LA SUCCESSION DE L’ÉGYPTE
DANS LA PROVINCE ÉQUATORIALE

Le 10 avril 1889, une longue caravane se déroulait sur le haut plateau qui domine la rive méridionale du lac Albert-Nyanza. Elle se composait de groupes étrangement disparates : d’abord des porteurs du Zanzibar, puis des nègres des tribus riveraines du lac, enfin des officiers et des scribes égyptiens, accompagnés de leurs femmes et de leurs enfans. Le chef, à l’attitude énergique et décidée, allant droit sa route, sans hésitation, marchait en tête de la colonne. Dans le gros de la troupe figurait un pacha égyptien d’allure singulière. Malgré la myopie dont il était visiblement affecté, il examinait le sol avec attention, et semblait uniquement occupé des herbes et des insectes. Ce pacha avait toute l’apparence d’un botaniste en herborisation ou d’un entomologiste en chasse. Le chef était Stanley, le naturaliste Emin-Pacha.

Le départ de cette caravane marquait la fin de l’occupation officielle de la province équatoriale par le gouvernement égyptien.

Il marquait aussi la fin d’une grande idée. Les khédives avaient rêvé de dominer tout le cours du Nil. Pendant quelques années, le grand fleuve avait été en effet jalonné, depuis sa sortie du lac Albert jusqu’au Delta, de stations au-dessus desquelles flottait le drapeau égyptien, — le drapeau rouge chargé d’une étoile et d’un croissant blancs. Mais que de difficultés s’opposaient à la durée de l’entreprise! Les khédives prétendaient régner sur un territoire de 3 000 kilomètres de long, habité par des populations différentes de race et de langage. Sans doute une administration très habile aurait réussi à maintenir l’union entre les diverses parties de cet empire. Mais les fonctionnaires égyptiens considérèrent