Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/338

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui ont été rendus par l’officier allemand von Wissmann et, plus récemment, par l’officier anglais Stairs? Mais les élémens étrangers s’éliminent de jour en jour, l’État indépendant du Congo tend à devenir exclusivement un État belge. Son souverain est le roi des Belges; les chefs de ses grands services sont Belges; à Bruxelles siègent les compagnies commerciales qui exploitent les rives du Congo; à Bruxelles se publient les journaux spéciaux aux affaires congolaises : Bulletin officiel de l’État indépendant, Mouvement géographique et le Congo illustré; à des Belges enfin, — aux Hanssens, Van Gèle, Roget, Hodister, Bia, Alexandre Delcommune, Georges et Paul Le Marinel, — revient l’honneur des principales découvertes accomplies aux « Indes Noires. » Merveilleux essaim de conquistadores issus de cette ruche féconde de Brabant et de Flandre !

Il sortirait complètement du cadre de cette étude d’exposer en entier l’œuvre africaine des Belges depuis 1884. A cette époque, ils ne s’étaient pas aventurés au delà de la rive droite du Congo ; en 1892, ils avaient atteint le Nil. On se propose uniquement de faire connaître ici les progrès de cette expansion. Les Belges se sont avancés en territoire inconnu. Ils ont fondé des postes au fur et à mesure de leurs découvertes. Ce chapitre d’histoire politique est donc en même temps un chapitre d’histoire de la géographie.

En 188i, au delà de l’horizon des postes fondés par Stanley sur le Congo, les notions géographiques cessaient. On savait cependant que loin, au nord, coulait une grande rivière : l’Ouellé. Signalée, d’une façon très vague, entre 1861 et 1869, par les voyageurs et marchands, — John Petherick, von Heuglin, Carlo Piaggia, Poncet, — elle avait été réellement découverte le 19 mars 1870, par Schweinfurth. Ce fut Junker qui, le premier, apporta des notions abondantes sur l’Ouellé. Ce marcheur infatigable, ce voyageur intrépide, ce savant profond, qui n’a pas en France le dixième de la réputation qu’il mérite, s’attacha à l’exploration détaillée de ce système hydrographique. Dans son premier voyage (1877-78) il découvrit les sources. Dans un second (1880-84) il suivit la rivière, passa de sa rive droite sur sa rive gauche et réciproquement, découvrit un grand nombre de ses affluens, bref, parcourut en tous sens son domaine de drainage. En même temps que Junker, son assistant Bohndorff, le voyageur italien Gaëtano Casati, Lupton-bey, gouverneur de la province du Bahr-el-Ghazal, Emin enfin accomplissaient sur l’Ouellé des voyages de reconnaissance. On avait donc sur ce cours d’eau des renseignemens très précis. Seulement, on ne