Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 123.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le feu n’avait pas épargné l’état-major général. Les suites de deux graves contusions, légèrement traitées d’abord, retenaient M. le Duc au lit. Sur quatre lieutenans généraux, l’un, Fourilles, se mourait; un second, Rochefort, soignait sa blessure à Philippeville. Trois maréchaux de camp étaient hors de combat : le comte de Königsmarck et le marquis de Villeroy, blessés, à l’hôpital ; Montal, le premier de tous, rentré à Charleroy avec la jambe cassée. Blessé aussi le commandant de l’artillerie. Du Metz, qui n’avait pas d’égal dans cette partie. Heureusement Luxembourg restait debout, et M. le Prince tenait bon : « Je me réjouis de vous revoir en train de gagner des batailles, lui écrivait Mademoiselle[1]; c’est un remède pour la goutte qui vous fera plus de bien que tous ceux de Bourdelot. » Assurément, si dans ce moment une crise avait rejeté Condé dans les mains des empiriques, c’eût été au grand dommage de la France. Au milieu de complica- tions très diverses, il avait encore besoin de tous ses moyens pour mener à bien sa laborieuse campagne.


X. — LES ALLIÉS A QUIÉVRAIN (16 AOUT). — M. LE PRINCE A LA BUISSIÈRE (23). LES ALLIÉS, RENONÇANT A L’INVASION, ASSIÈGENT AUDENARDE.

...Aucun renfort ne vint grossir l’armée de M. le Prince ; mais par le rappel de divers détachemens, par le remaniement des garnisons, qui fournirent un certain nombre d’escadrons et de bataillons frais en échange de troupes fatiguées, l’effectif, tombé un moment à trente-deux mille hommes, remonta à plus de quarante mille, en y comprenant les colonnes mobiles maintenues à Philippeville, Avesnes, Lille, Tournay, dont M. le Prince pouvait appeler à lui les unes ou les autres, selon la direction que prendraient ses opérations.

Le ministre fit largement les fonds pour la solde, et donna toute son assistance au commandement pour assurer le service des subsistances. De grands approvisionnemens de farines furent formés ou entretenus dans les quatre places que nous venons de nommer et d’où l’armée pouvait avoir à tirer ses vivres. Des convois de chevaux furent dirigés sur la frontière, où des détachemens allaient les prendre pour les amener aux régimens. Et à ce propos nous citerons quelques paroles qui montrent combien Condé tenait à ses soldats et avec quelle fierté il parlait d’eux. Envoyant en remonte quinze cents cavaliers démontés, il écrivait à Louvois[2] : « Faites en sorte que ces cavaliers, qui sont les premiers soldats du monde, ne se perdent pas. »

  1. Eu, 17 août 1674. A. C.
  2. 26 août. A. C. (minute).